Pour le
commissariat aux droits de l’homme du Conseil, le gouvernement doit
revoir « au plus vite » la doctrine d’usage de ces armes.

La
commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe a rendu
public, mardi 26 février, un mémorandum adressé aux autorités françaises
concernant le maintien de l’ordre lors des manifestations des « gilets
jaunes ». Dunja Mijatovic les invite à « mieux respecter les droits de l’homme », à « ne pas apporter de restrictions excessives à la liberté de réunion pacifique » et à « suspendre l’usage du lanceur de balle de défense ».
Le
lanceur de balles de défense (LBD) est accusé de causer de graves
blessures chez les manifestants et la responsable bosnienne demande à
Paris de revoir « au plus vite » la doctrine d’usage de ces armes. Elles devraient, provisoirement, ne plus être utilisées, estime Mme Mijatovic, qui invite aussi le gouvernement à publier des données plus détaillées sur les personnes blessées.
Le commissariat aux droits de l’homme est une institution
indépendante au sein du Conseil de l’Europe, qui regroupe 47 Etats
membres. Implanté à Strasbourg, il est censé favoriser le respect des
droits humains et des règles démocratiques. Le rapport sur le mouvement
des « gilets jaunes » a été réalisé à l’issue notamment d’une visite de
la commissaire en France, le 28 janvier. Elle a rencontré, entre autres,
Laurent Nuñez, secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’intérieur.
Cette note n’a aucune portée juridique.
« Nous
jugions nécessaire d’obtenir plus d’informations sur ce vaste mouvement,
de longue durée, qui implique un maintien de l’ordre sévère »,
commente un porte-parole. Des manifestations de masse en Turquie, en
Catalogne ou en Ukraine ont déjà fait l’objet d’études semblables.
« Contexte de grande tension »
A cet égard, le législateur devrait s’assurer que la loi visant à renforcer et garantir le maintien de l’ordre public lors des manifestations « respecte pleinement le droit à la liberté de réunion ». Une interdiction administrative de manifester constituerait une grave ingérence dans l’exercice de ce droit, estime la commissaire, et il conviendrait de ne pas ériger en délit la dissimulation volontaire « sans motif légitime » de tout ou partie du visage dans, ou aux abords, d’une manifestation.
Nouvelle discussion

Dans un mémorandum de cinq pages consulté par Le Monde, Paris réplique que les dispositifs de sécurité encadrant les manifestations étaient tous conformes aux dispositions légales. Et que la proposition de loi montrée du doigt présente désormais toutes les garanties « de solidité et de sécurité juridique ».
A propos des LBD, le gouvernement conteste l’idée d’une suspension de l’usage de ces armes et rappelle l’avis du Conseil d’Etat, qui a estimé qu’elles sont adaptées lors de manifestations, marquées par « des violences volontaires, des voies de fait, des atteintes aux biens et des destructions ». « Seules les enquêtes de l’IGPN [la police des polices] ou les enquêtes pénales peuvent établir un usage disproportionné de la force », indique aussi la réponse.
A propos des comparutions immédiates (26 % de l’ensemble des réponses pénales), c’est « la gravité des troubles » qui a nécessité des réponses judiciaires rapides. Et en ce qui concerne la liberté de réunion, la réplique souligne que le Conseil constitutionnel a admis qu’elle puisse être limitée s’il s’agit de sauvegarder l’ordre public.