vendredi 22 mars 2019

Macron, l'Etat terroriste

Une excellente analyse de Reporterre

Macron, l’État terroriste

22 mars 2019 Hervé Kempf (Reporterre) 

    
Le recours à l’armée et l’annonce que le LBD sera employé sans limite sont l’expression nouvelle d’une politique de terreur employée par les gouvernants à l’encontre des contestations populaires. Il faut nommer les choses pour ce qu’elles sont, et résister.
Le gouvernement a franchi cette semaine un nouveau pas dans l’escalade de la violence d’État. Ce pas nous fait basculer dans une situation nouvelle. En recourant, au nom du maintien de l’ordre, à l’armée — une première depuis 1948 —, en donnant licence aux forces de police d’user sans réserve des lanceurs de balles de défense (LBD), en « partant du principe que ces rassemblements sont des rassemblements d’émeutiers »MM. Macron, Philippe et leurs ministres visent clairement à terroriser celles et ceux qui entendent manifester samedi prochain et les suivants.
La répression du mouvement des Gilets jaunes a déjà atteint en quatre mois un niveau de violence étatique sidérant, avec plus de 200 blessés graves, 22 personnes éborgnées, cinq mains arrachées, et une personne morte par un tir de grenade. Ce bilan est le plus lourd en matière de répression qu’on ait connu depuis mai 1968. Et non contents de tenir pour négligeables les critiques sur cet emploi démesuré de la force lancées par le Parlement européen, le Conseil de l’Europe, la haute commissaire aux droits de l’Homme de l’ONU, des ophtalmologistes et des chirurgiens effrayés par les « blessures de guerre », les terroristes d’État ont été jusqu’à accuser le Défenseur des droits – qui a recommandé la suspension de l’utlisation des LBD – d’avoir « indirectement » et « implicitement » une part de responsabilité dans le désordre et le vandalisme qui se sont produits à Paris le samedi 16 mars. Si tout cela ne suffisait pas, la licence donnée aux BAC (brigades anti-criminalité) et autres DAR (détachements d’action rapide) d’agir sans limite, l’absence de toute sanction contre la dissimulation systématique du matricule d’identification des agents, l’usage de policiers en civil, l’engagement de nouveaux moyens (drones, gaz lacrymogènes lancés depuis des véhicules blindés), confirment que dans leur panique devant la rébellion, M. Macron et ses subordonnés placent le « maintien de l’ordre » au-dessus de toute autre considération.
Le message envoyé par le gouvernement est clair : toute manifestation des Gilets jaunes sera considérée comme une émeute, et face à l’émeute, tous les moyens sont permis : la mutilation, voire la mort, comme l’a évoqué le Premier ministre devant l’Assemblée nationale.
Les violences exercées par les forces de police — et éventuellement par l’armée — sur l’ordre du gouvernement sont accompagnées d’une lourde pression sur l’appareil judiciaire pour le mettre au service d’une répression indiscriminée. De surcroît, la loi anti-manifestation, lancée dans un autre moment de panique gouvernementale en janvier, va éborgner un peu plus le droit de manifester en donnant plus de pouvoirs aux préfets et en introduisant des fichages de personnes jugées — par la police — comme susceptibles de violences. Cette loi s’ajoute à une longue liste de lois sécuritaires – pensées en principe pour lutter contre le terrorisme… civil — et dont les dispositions sont appliquées en pratique aux mouvements sociaux.
Tout ceci n’est pas le seul fait de M. Macron et de ses subordonnés, même s’ils portent une responsabilité particulière dans la situation actuelle, et assument avec plus de cynisme ou d’aveuglement que leurs prédécesseurs — de Sarkozy à Valls — l’idée de terroriser les contestataires. Elle découle d’une évolution engagée depuis une vingtaine d’années — on pourrait en dater l’origine au Patriot Act adopté aux États-Unis en 2001 — et au long de laquelle les classes dirigeantes se sont éloignées des principes démocratiques pour mettre en place un système oligarchique. Et face aux contestations voire aux révoltes de plus en plus nombreuses se levant contre cette évolution et contre l’extension infinie des principes néolibéraux et de l’inégalité qui l’accompagnent, ils ont recouru à des moyens d’une brutalité répressive toujours plus intense.
Dans le cas français, cette radicalisation des classes dirigeantes est favorisée par deux facteurs. D’abord, la synchronisation décidée en 2002 de l’élection présidentielle et des élections législatives assure au chef de l’État — puisque les députés sont élus dans la dynamique de la victoire présidentielle — une assemblée à sa botte, et donc une quasi impunité politique durant cinq ans. Un deuxième facteur facilitant la brutalisation du pouvoir étatique en France est le contrôle de l’essentiel du système médiatique par les dominants, si bien que l’opinion est orientée par les choix de thèmes traités et par les commentaires des chiens de garde — les Apathie, Barbier, Elkrieff, Calvi, on en passe, et des dizaines — de façon à rendre primordiaux les concepts d’« ordre » et de « sécurité », et très secondaires les réalités de l’inégalité, les souffrances endurées par les classes populaires et la dégradation continue de l’environnement naturel. Les contre-pouvoirs aux excès de l’État sont ainsi structurellement affaiblis.

La bêtise criminelle des possédants dont la macronie est aujourd’hui l’expression

Il importe de qualifier le régime politique dans lequel nous sommes, et qui n’est plus une démocratie, malgré ce que serinent jour après jour les chiens de garde. « Quelque chose glisse »observe Daniel Schneidermann« que les médias peinent à nommer ». Il s’agit bien d’une oligarchie, mais la violence qu’elle exerce pour maintenir sa domination exprime une qualité particulière que le terme de « dérive autoritaire » ne suffit plus à qualifier. Régime autoritaire, sans doute. Mais ce qui se joue en ce moment est plus dangereux encore. Le mot d’État terroriste m’est venu. Il s’agit bien de terroriser la révolte sociale qui s’est levée depuis quatre mois. Dans une émission de radio en mars 2018, le philosophe Geoffroy de Lagasnerie disait que « Macron essaye d’instaurer un gouvernement de la terreur » : en affaiblissant les dispositifs de protection des personnes (ce que fait la politique néolibérale), expliquait M.de Lagasnerie, Emmanuel Macron rend les travailleurs soumis aux patrons, par terreur du licenciement, les chômeurs soumis aux contrôleurs, les migrants à la police, etc. Une observation comparable a été faite par l’avocate Judith Krivine : « Les gouvernements qui se succèdent privent les salariés de leurs droits et leur rendent l’accès au juge plus difficile, ce qui rend les recours de plus en plus décourageants. »
Ainsi, la violence blessante voire meurtrière des forces d’État est le volet le plus apparent d’une politique généralisée de la peur dans tous les rapports sociaux au profit des puissants. L’État terroriste de M. Macron et de la classe dont il est l’instrument n’annonce pas seulement qu’il est prêt à tuer les Gilets jaunes. Il leur refuse toute concession, et entend poursuivre sans fléchir sa politique nous entraînant dans le chaos climatique et social.
Mais quand on règne par la peur, on n’a plus d’autorité, on ne suscite plus aucune adhésion. Il ne reste que le pouvoir, dans la froide férocité du rapport de force. La bêtise criminelle des possédants dont la macronie est aujourd’hui l’expression ne doit cependant pas générer la peur par laquelle ils veulent nous paralyser, mais le simple et âpre sentiment qu’aujourd’hui, il n’est d’autre attitude digne que la résistance.

mardi 19 mars 2019

Tapis rouge pour Marine Le Pen

Une édifiante étude d'Acrimed sur Le Pen et les médias.On comprend mieux pourquoi le RN monterait dans les sondages .... 

Les chaînes télé déroulent le tapis rouge devant Marine Le Pen
par Frédéric Lemaire
Depuis le début de l’année, les représentants du Rassemblement national (RN) se bousculent aux portillons des chaînes d’information en continu. Sur la période allant du 1er janvier au 17 mars 2019, on ne dénombre pas moins de 161 invitations sur BFM-TV, Cnews, France Info ou LCI, soit plus de deux apparitions par jour en moyenne. A elles seules, BFM-TV et CNews comptent pour 131 invitations (voir notre décompte en annexe). Cette omniprésence des représentants du parti d’extrême-droite s’accompagne d’un traitement médiatique tout en complaisance à l’égard de Marine Le Pen. À longueur d’émissions spéciales sur « la dynastie Le Pen », d’interviews bienveillantes, de commentaires élogieux, la présidente du Rassemblent national (RN) bénéficie d’une couverture d’une complaisance sans égale. Retour sur cette édifiante séquence de promotion médiatique.
Dès la mi-janvier, BFM-TV célébrait en fanfare la rentrée politique de Marine Le Pen avec une émission spéciale, promue à grands renforts de bandes-annonces. Au programme, « une grande enquête » sur « un feuilleton politico-familial qui passionne les Français depuis plus d’un demi-siècle, la dynastie Le Pen », avec « des secrets, des pardons et des trahisons ». Bref on l’a compris, rien ne sera épargné aux téléspectateurs, dans ce que Samuel Gontier décrit comme une « entreprise de dépolitisation parfaitement menée, à force d’anecdotes insignifiantes et d’exégèses psychologisantes [1]. »
Le soir même sur le plateau de BFM-TV, les commentaires donnent le ton : « Il y a ce côté Dallas et Dynastie, les séries américaines », commente ainsi Olivier Beaumont du Parisien. Et d’évoquer « un clan qui s’est toujours invité dans le foyer des Français. » Invité certes, mais par qui ? Pour le présentateur Bruce Toussaint, l’histoire des Le Pen est « une saga incroyable », qui est « à la fois une histoire de famille et un pan de notre histoire politique. » Rien que ça. La diffusion de cette émission spéciale tombe d’ailleurs à point nommé : « Marine Le Pen qu’on disait carbonisée par la dernière élection présidentielle […] est en train de tirer profit de la crise des gilets jaunes ». Une affirmation sans appel, sur la foi de sondages prédisant un score élevé pour le Rassemblement national. Et constituant vraisemblablement une raison suffisante pour dérouler le tapis rouge à sa dirigeante [2].
Une autre séquence s’ouvre le 17 février. Alain Finkielkraut est invité sur BFM-TV par Apolline de Malherbe, en réaction aux insultes proférées la veille à son encontre, en marge d’une manifestation de gilets jaunes. Au cours de cet entretien, il délivre un satisfecit à la présidente du Rassemblement national : « Qui a dénoncé immédiatement les attaques dont j’ai été l’objet ? Marine Le Pen. » Pour lui, le RN ne figure pas parmi « les vrais fauteurs de haine ». D’ailleurs, ce serait « une incroyable paresse de pensée que de revenir sans cesse aux années 1930 et au bon vieux Front national de papa ».
Cette invitation a été l’amorce d’une nouvelle salve de commentaires complaisants à l’égard du Rassemblement national [3]. Sur le plateau de « BFM Story », l’éditorialiste Anna Cabana est catégorique : au lieu de parler d’antisémitisme d’extrême-droite, on ferait mieux de parler d’un antisémitisme d’extrême-gauche. La preuve ? « Quand on discute avec Alain Finkielkraut de ce qui s’est joué pour lui […] il vous parle des zadistes, il vous parle des gauchistes ». On ne peut pas reprocher à Anna Cabanna de ne pas avoir de suite dans les idées : le lendemain, elle invite Marine Le Pen à un entretien chaleureux et complaisant sur i24. L’occasion pour la présidente du RN de pontifier sur l’« antisémitisme islamo-gauchiste » qui serait le « danger le plus flagrant, le plus évident aujourd’hui ».
En mars, c’est LCI qui prend le relais. La chaîne d’information en continu y va, elle aussi, de sa soirée spéciale sur le « renouveau » de la dirigeante du Rassemblement national. Dès le journal de 17h, la présentatrice annonce la couleur : « Elle est jugée volontaire, capable de prendre des décisions et de comprendre les problèmes quotidiens. L’image de Marine Le Pen s’est considérablement améliorée auprès des Français. [4] ». A 18h, David Pujadas annonce quant à lui « un retour en grâce ». Des affirmations à nouveau appuyées à grand renfort de sondages.
Au sommaire de cette soirée, surprise ! Un « grand document » sur « le roman vrai d’une dynastie politique », avec les « confidences et confessions de trois générations Le Pen ». Avec originalité, LCI marche dans les pas de BFM-TV. Pourquoi au juste cette émission spéciale ? Le chef du service politique de TF1 et LCI s’explique : « Parce qu’on est à quelques semaines d’une élection, les européennes, où, selon toute vraisemblance, la formation politique de Marine Le Pen va réaliser un score très important. » La même logique est à l’oeuvre que sur BFM-TV : des sondages annoncent un résultat favorable pour le RN, il est donc urgent de lui ouvrir tous les micros.
Le service public n’est pas en reste. « L’émission politique » du 14 mars sur France 2 constitue le dernier épisode en date de cette séquence de promotion médiatique. Un extrait relayé avant l’émission annonçait déjà la couleur : Thomas Sotto, interrogeant Marine Le Pen… sur son amour pour ses chats. Un échange passionnant qui n’a pas manqué de susciter l’ironie voire l’indignation sur les réseaux sociaux. L’émission est à l’avenant : pendant plus de deux longues heures, Marine Le Pen occupe l’antenne. Le résultat ? C’est Nathalie Saint-Cricq, cheffe du service politique de France 2, qui en parle le mieux dans son debriefing : « globalement, elle est hyper dédiabolisée ». Et en détail, cela donne cette tirade édifiante :
« Moi, je l’ai trouvée assez efficace, j’ai trouvé qu’elle avait travaillé […], qu’elle était dans le constat ce qui lui permet plus facilement d’arrondir les angles. Elle n’est pas contre les riches, elle est pour les pauvres. Elle aime bien les bons gilets jaunes, mais elle défend aussi les policiers. Tout est de la faute du gouvernement. Donc pendant toute la première partie on a eu quelqu’un d’assez consensuel et qui était dans le constat et finalement son constat, on pouvait le partager, et c’était une sorte de constat mainstream . Après les choses se sont un peu plus gâtées avec Nathalie Loiseau et avec Matteo Renzi parce que là, on n’était plus dans le constat on lui demandait des solutions […] et là ça a patiné un petit peu plus mais globalement, elle est hyper dédiabolisée et elle a travaillé et elle n’est plus excessive comme elle pouvait l’être avant, ni pas très professionnelle. »
En résumé donc : une belle séquence d’« hyper dédiabolisation » offerte en direct et à une heure de grande audience par le service public.

***

Depuis janvier, les chaînes d’information en continu font la chronique annoncée du triomphe de Marine Le Pen. Ils décrivent, sur la foi de sondages, tantôt une « résurrection », tantôt une « reconquête » en vue des élections européennes. Emissions spéciales à l’appui, ils évoquent des Français « fascinés » par la famille Le Pen. Tout est bon pour expliquer le succès annoncé de l’extrême-droite. Pour certains commentateurs, les mobilisations de gilets jaunes auraient profité au Rassemblement national – alors même que les obsessions migratoires de Marine Le Pen n’apparaissent pas dans les revendications exprimées par les gilets jaunes.
Cette séquence, qui prend des allures d’auto-hypnose médiatique, a un effet performatif - lorsqu’est annoncée sur tous les tons et registres la « dédiabolisation » du RN. Elle fonctionne également comme une forme de prophétie auto-réalisatrice, en écrivant à l’avance la « dramaturgie » des élections européennes comme un « match » entre Marine Le Pen et Emmanuel Macron. Et en écrasant, sur les plateaux télévisés, toute alternative à ce duel sous le brouhaha médiatique.

Frédéric Lemaire (avec Pauline Perrenot et Florent Michaux)

Annexe : les représentants du Rassemblement national dans les radios et télévisions


Nous avons effectué le décompte des invitations de représentants du RN dans les radios et chaînes de télévision du 1er janvier au 17 mars 2019, sur la base de la liste des interventions médiatiques recensées sur le site du RN.
Les médias recensés sont : BFM-Business, BFM-TV, C8, CNews, Europe 1, France 2, France 24, France 3, France 5, France Bleu, France Culture, France Info, France Inter, I24, LCI, LCP, Paris Première, Public Sénat, Radio Classique, RCF, RFI, RMC, RT, RTL, Sud Radio, TV5 Monde.
On compte un total de 233 invitations médias sur 76 jours, soit une moyenne de 3 invitations par jour sur l’ensemble des médias concernés. Ce palmarès est largement dominé par BFM-TV (71) et CNews (60) y compris en comparaison avec d’autres chaînes d’information en continu (14 pour LCI)
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vendredi 15 mars 2019

Tous dans la rue samedi 16 mars pour le climat !


Marche pour le climat : la France insoumise y sera !

La France insoumise s'associe à la marche pour le climat proposée par plusieurs associations et les gilets jaunes du Gargalon, samedi 16 mars, marches organisées dans toute la France.
Le rendez-vous est fixé à 13h30 à la base nature de Fréjus ou à 14h, devant le monument de l'armée noire, à Fréjus-plage, près de la place de la République.
La manifestation s'achèvera aux jardins d'Arménie à Saint-Raphaël, où se tiendront des ateliers et débats.Il sera question notamment de l'avenir de la base nature, mise à mal par les projets destructeurs de la municipalité de David rachline.
La France insoumise appelle tous les citoyens à se joindre à cette marche.

Pour la France insoumise, la fin du monde et la fin du mois sont un seul et même combat. Ce sont les mêmes responsables qui défendent les intérêts d’une oligarchie. Il est temps d'agir.

L’Union européenne se présente certes comme la championne de la lutte contre le réchauffement climatique. Mais elle continue de subventionner les énergies fossiles, propose des objectifs énergétiques largement en-dessous de ce que préconise l’Accord de Paris (COP 21), promeut l’agriculture intensive et l’utilisation de pesticides, privatise les services publics comme le train, pourtant bien moins polluant que le transport routier et encourage les accords de libre-échange.

Création d'une agence européenne de la règle verte


Dans le même temps, la société civile, les citoyens, la jeunesse du monde entier se
mobilisent pour le climat, exigeant des responsables politiques qu’ils passent des
paroles aux actes. C’est un vent d’espoir qui souffle pour la planète. Pour
traduire cet espoir en actes, la France insoumise propose d’introduire la règle verte dans la législation communautaire, c’est-à-dire l’obligation, à l’échelle de l’Union Européenne, de ne pas prélever sur la nature plus de ressources renouvelables que ce qu’elle peut reconstituer, ni de produire plus que ce qu’elle peut supporter.
Cette règle verte crée un cadre contraignant qui place l’action de l’Union Européenne dans les limites de l’écosystème et le respect de l’Accord de Paris. Pour tenir ces objectifs, une Agence européenne de la règle verte serait mandatée pour l’évaluation des politiques, des projets d’aménagement, et des financements existants et futurs au regard de la règle verte.
La France insoumise a des solutions, mobilisons-nous avec elle, parce que la planète est vraiment en danger !




samedi 9 mars 2019

Ford, Air France-KLM, Gafa… La France humiliée




Derrière les postures talentueuses et les projets louables, la France d'Emmanuel Macron ne semble pas décidée à se donner les moyens de ses ambitions. Les dernières prises de participation étrangères dans notre patrimoine industriel le prouvent.
La France, une fois de plus, restera fidèle à sa réputation. La lettre d'Emmanuel Macron aux citoyens des 28 pays européens a fière allure. Nous conservons sans nul doute le magistère de la parole. Et le coq chante glorieusement sous les regards polis de ses voisins. Polis mais légèrement agacés. Le président français a préféré la missive plutôt que les grandes réunions, dont la conférence de Munich, mi-février.
Des diplomates, des militaires, des scientifiques, et bien sûr Angela Merkel. Mais ses services ont prétexté le « grand débat » pour décliner l'invitation. De bien mauvaises langues, dans les milieux diplomatiques, affirment qu'il aurait voulu éviter les sarcasmes. Le temps est loin où The Economist le présentait comme marchant sur les eaux, où le Times voyait en lui le « leader de l'Europe ». Le Times, d'ailleurs, prévenait : « S'il arrive à gouverner la France. » Mais l'enfant prodige s'est pris des vestes. Ridicule. La France, sur la scène internationale, est ridicule, et pas seulement pour cause de « gilets jaunes ».

Pas de volonté réelle

Pourtant, le texte du président français aborde des questions essentielles. « Assumer la préférence européenne » dans nos industries stratégiques et nos marchés publics, « sanctionner ou interdire en Europe les entreprises qui portent atteinte à nos intérêts stratégiques et nos valeurs essentielles, comme les normes environnementales, la protection des données et le juste paiement de l'impôt »… On applaudit des deux mains. Et l'on serait prêt, pour ces quelques mots, à pardonner les poncifs sur la défense européenne ou le « bouclier social », promis à coups de commissions, d'experts et de conseils. On applaudit, mais on est pris d'un doute. Pourquoi nos voisins se gaussent-ils ? Sans doute parce que, derrière les postures talentueuses et les projets louables, la France ne semble pas décidée à se donner les moyens de ses ambitions. Pour peser sur la scène internationale, encore faut-il avoir démontré sa volonté. Et la volonté s'appuie sur la capacité à imposer un rapport de force.
TRENTE ANS D'IDÉOLOGIE TECHNOCRATIQUE DU DÉPASSEMENT DE LA NATION ONT ABOUTI, DANS LES ÉLITES FRANÇAISES, AU BISOUNOURSISME GÉNÉRALISÉ.
Ce mercredi, Bruno Le Maire annonçait la future mise en place de la taxe visant les Gafa. En France. Nos partenaires européens ne nous ont pas suivis.
Mieux, l'Allemagne, qui faisait officiellement partie des pays initiateurs, a en réalité freiné des quatre fers pour ne pas compromettre les liens de son industrie automobile avec ces grands fournisseurs d'intelligence embarquée. Réjouissons-nous, malgré tout, d'une prise de conscience, certes bien tardive, de ces enjeux par des politiques longtemps aveugles. Manque l'essentiel : la puissance d'un poing qui frappe sur la table.
Bien au contraire, la France s'illustre par son impuissance absolue. Face aux multinationales, d'abord. Ford n'est que la dernière d'une longue série. CICE, plan de sauvegarde de l'emploi, subventions diverses et variées… Et l'on s'en va en faisant en sorte que le site, surtout, ne puisse être repris par un éventuel concurrent. Mittal avait agi de façon rigoureusement identique à Florange. L'usine Ford de Blanquefort vient après Ascoval à Saint-Saulve et Alcatel-Lucent à Nozay. Pourtant, Emmanuel Macron, au moment du rachat d'Alcatel-Lucent par Nokia, avait vanté la création d'un « champion européen » . Les Français sont les seuls à croire qu'un géant finlandais absorbant un groupe français ne privilégiera pas les intérêts finlandais au détriment des emplois en France. Trente ans d'idéologie technocratique du dépassement de la nation ont abouti, dans les élites françaises, au bisounoursisme généralisé.
Et de fait, pourquoi la France se méfierait-elle de ses alliés néerlandais ? Qui aurait imaginé qu'ils pourraient monter au capital d'Air France-KLM sans nous prévenir ? Qui, de même, aurait imaginé que les Japonais pourraient frapper Carlos Ghosn pour fragiliser Renault face à Nissan ? Entre amis, n'est-ce pas, ces choses-là ne se font pas. Et, comme nous n'avons que des alliés et des amis, inutile de développer l'intelligence économique pour anticiper ce genre de réveil nationaliste.
La France, coup sur coup, se fait humilier par des multinationales sûres de leur impunité et par ses propres alliés, occupés, eux, à défendre leurs intérêts. Faute de vision industrielle, faute de volonté réelle, la France perd peu à peu sa capacité à agir comme une puissance. Dans son désert industriel, sa voix n'a aucune chance de porter pour réformer l'Europe, quelles que soient ses bonnes idées.

samedi 2 mars 2019

Violences policières : Emmanuel Macron toujours sourd à la mobilisation anti-LBD


Par Hadrien Mathoux


Plusieurs institutions internationales ont mis en cause la brutalité du maintien de l'ordre lors des manifestations des gilets jaunes, notamment l'utilisation du LBD et de la grenade GLI-F4. Le gouvernement reste droit dans ses bottes.
Plaies béantes, hématomes spectaculaires, gueules balafrées. Laurent Thines, neurochirurgien au CHRU de Besançon, désigne un collage de photographies qu'il a compilé ; des gilets jaunes, le corps et le visage meurtris par des tirs de LBD (lanceurs de balles de défense, arme qui a succédé au flash-ball) et des grenades envoyées par les forces de l'ordre lors des manifestations. Colère de celui qui a lancé la pétition des soignants pour un moratoire sur l'usage de ces armes, qualifiées d'"intermédiaires" ou de "sub-létales" : "Pour moi, ces photos, c'est le mur de la honte".
Depuis le début des mobilisations, d'après les chiffres compilés par le journaliste spécialisé David Dufresne, 2.000 gilets jaunes ont été blessés, dont 220 gravement. 63% l'ont été par des tirs de LBD. 21 personnes ont été éborgnées, dont 19 par le successeur du flash-ball, et 2 par des grenades. 5 manifestants ont eu une main arrachée, et Zineb Redouane, une femme de 80 ans, est décédée après avoir été blessée par une grenade lacrymo. Ces données statistiques brutes, en sus des images témoignant d'une répression souvent violente des mobilisations par les policiers, ont donné lieu ces derniers jours à plusieurs prises de position au niveau international.

Condamnations internationales

Le 14 février, un groupe d'experts de l'ONU publie un communiqué relayant "des allégations graves d’usage excessif de la force" lors des opérations de maintien de l'ordre en France depuis novembre 2018. Les spécialistes membres du Haut commissariat aux droits de l'Homme des Nations Unies pointent, en particulier, "des blessures graves causées par un usage disproportionné d’armes dites 'non-létales' telles que les grenades et les lanceurs de balles de défense ou 'flashballs'". Après l'ONU, suit l'Europe : le même jour, le Parlement européen vote à 438 voix pour, 78 contre et 87 abstentions une résolution dénonçant "le recours à des interventions violentes et disproportionnées de la part des autorités publiques lors de protestations et de manifestations pacifiques" ; sans cibler explicitement la France, le texte a été précédé de débats essentiellement concentrés sur le contexte des gilets jaunes.
La résolution n'appelle pas à l'interdiction des LBD, ce qui pousse alors plusieurs eurodéputés de gauche à s'abstenir, dénonçant les pressions d'une partie de la droite pour édulcorer les exigences du texte. Enfin, ce mardi 26 février, la commissaire aux droits de l'Homme du Conseil de l'Europe, Dunja Mijatovic publie un mémorandum adressé aux autorités françaises : elle y appelle le gouvernement à "suspendre l'usage des lanceurs de balles de défense dans le cadre des opérations de maintiens de l'ordre" et enjoint la France à revoir "au plus vite" la doctrine d'emploi des fameuses armes "intermédiaires".
Qu'est-il reproché à ces instruments de maintien de l'ordre ? Ce jeudi 28 février, l'eurodéputée Marie-Christine Vergiat (élue sur une liste Front de gauche en 2014) organisait une conférence de presse pour réclamer la suspension de l'utilisation des LBD et des grenades lacrymogènes GLI-F4. "Les armes intermédiaires sont dangereuses et mal utilisées", estime la parlementaire, accompagnée de plusieurs figures de la lutte contre les violences policières. Parmi elles, Raphaël Kempf, avocat au barreau de Paris qui défend bon nombre de victimes. Et s'appuie sur des textes produits par des autorités publiques ; ainsi, un rapport conjoint de l'Inspection générale de la police nationale (IGPN) et de l'Inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN) datant de 2014 classe la GLI-F4 dans la catégorie des armes léthales ; le code de sécurité intérieure indique que ces grenades lacrymogènes peuvent servir au maintien de l'ordre mais également être destinées à l'usage militaire. De quoi faire dire à l'avocat que "l'Etat sait depuis au moins cinq ans que cette arme est dangereuse".
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Concernant le LBD, Raphaël Kampf s'appuie sur un rapport du défenseur des droits concernant le maintien de l'ordre, rendu en janvier 2018. Le texte indiquait que le préfet de police de Paris avait interdit le LBD dans les opérations de maintien de l'ordre "au regard de sa dangerosité et de son caractère inadapté dans ce contexte". Recommandation qui a manifestement été rangée au placard s'agissant des manifestations des gilets jaunes. Commentaire de l'avocat : "L'Etat sait que ces armes sont dangereuses, et il continue de les utiliser : pourquoi ? En vérité, le gouvernement joue une stratégie de la tension, il cherche à faire peur aux gens pour les dissuader d'aller manifester."

Dangers graves pour la santé

Le neurochirurgien Laurent Thines, utilisant un diaporama précis et volontairement explicite, a lui documenté la gravité des lésions infligées par les armes sub-létales : "Je suis effaré de voir des gens revenir de manifestation avec des blessures gravissimes, qui entraînent des pertes de substance", s'insurge le médecin. "Les LBD sont faits pour neutraliser des individus dangereux sans les tuer, on en a vu utilisés contre des terroristes ; ce ne sont pas des armes de maintien de l'ordre, ce sont des armes fabriquées pour blesser gravement". Explications scientifiques à l'appui : lourdes et rigides, les balles des LBD partent à 324 kilomètres/heure et ont une force d'impact de 200 joules à moins de dix mètres : l'équivalent d'un "parpaing de 20 kilos lâchés à un mètre de hauteur sur votre tête", d'après Laurent Thines. Dans le cou ou la tête, zones que les policiers ne doivent pas viser mais qui ont été dans les faits l'objet de nombreux tirs lors des manifestations, "les balles peuvent causer une mort par asphyxie ou un AVC". Dans le visage, "les lésions occasionnent des fractures, on peut perdre un oeil , subir des traumas crâniens avec des séquelles neurologiques irrémédiables.".
S'agissant des balles reçues dans le tronc ou sur les membres, cibles recommandées pour les forces de l'ordre utilisant le LBD, le neurochirurgien estime qu'elles peuvent tout de même "causer de graves lésions ; une balle dans le coeur ou la rate peut être potentiellement mortelle". De quoi pousser Marie-Christine Vergiat à demander a minima une "suspension de l'utilisation des armes intermédiaires lors des opérations de maintien de l'ordre. Nos voisins n'utilisent pas ces armes-là". En Europe, la France est en effet l'un des seuls pays avec la Pologne et la Grèce à utiliser le LBD.
Ces arguments n'ont pas convaincu le gouvernement. La veille, dans une conférence de presse commune avec Angela Merkel, Emmanuel Macron a vigoureusement défendu l'utilisation du LBD, s'en prenant à une partie des manifestants : "la meilleure manière d'éviter ces utilisations [du LBD] et ces cas est d'éviter d'avoir des gens qui considèrent que le samedi après-midi est fait pour casser des vitrines, des institutions ou attaquer les forces de l'ordre", a attaqué le président, ajoutant : "Je le dis très simplement, je ne laisserai pas les forces de l'ordre sans aucun moyen ni d'assurer l'ordre public, ni de se défendre face à des gens qui arrivent aujourd'hui armés et avec les pires intentions". Début janvier, le Conseil d'Etat a rejeté les demandes de suspension des armes sub-létales, indiquant qu'elles étaient nécessaires aux forces de l'ordre dans un contexte d'accroissement des violences en manifestation. Certains policiers et gendarmes affirment que si cette catégorie d'armes leur est interdite, ils seront privés de moyens de défense et seraient obligés d'utiliser des armes létales.
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Une argumentation qui fait vivement réagir les partisans de l'interdiction des LBD et grenades sub-létales. Parmi eux, David Dufresne, journaliste connu pour son suivi spécialisé des violences policières, réfute l'idée que les manifestations sont plus dangereuses que par le passé : "Cela ne résiste pas à l'analyse historique : rappelons-nous l'incendie du palais du Parlement de Bretagne en 1994, les manifestations des sidérurgistes dans les années 1970, celles des pompiers dans les années 1990, sans parler de mai 68…" Le camp favorable à la suspension des armes intermédiaires pointe deux problèmes majeurs : un manque de formation, et une doctrine défaillante qui mène à "utiliser des armes de défense comme des armes d'attaque".
En effet, jusqu'à 80.000 policiers ont été mobilisés lors des manifestations de gilets jaunes entre décembre et février. Or, "il n'y a que 15.000 CRS et gendarmes mobiles en France" ; ce qui a amené les autorités à mobiliser des milliers de gardiens de la paix pas habitués au maintien de l'ordre. " Quand vous allez chercher des gardiens de la paix dans les commissariats pour lui dire 'samedi, tu as maintien de l'ordre, va t'acheter un casque', ils sont tout à fait légitimes à avoir peur. Ils ne sont pas formés, pas entraînés, pas équipés", estime David Dufresne. Autre catégorie de policiers mobilisée : les membres de la Brigade anti-criminalité (BAC), les fameux "baceux", qui sont formés à l'utilisation du LBD… mais pas au maintien de l'ordre. "Leur habitude est d'utiliser ces armes contre des présumés criminels ou déliquants, ils font du 'saute-dessus', cela n'a rien à voir avec le fait de gérer une foule", critique Dufresne.
Plus largement, le contraste entre les méthodes françaises de maintien de l'ordre et les techniques utilisées chez nos voisins plus au nord est pointé du doigt. Là où les Allemands, Anglais et Néerlandais sont réputés utiliser une doctrine de "désescalade", la France adopterait celle du "maintien à distance", regrette Marie-Christine Vergiat. Pour David Dufresne, il est possible d'éviter des débordements violents sans recourir à des armes telles que le LBD : "On peut informer les manifestants via de gigantesques haut-parleurs, utiliser la signalisation électronique et les réseaux sociaux pour faire les sommations, être mieux informés sur ce qui se prépare au sein des mouvements, ce qui est beaucoup plus compliqué en France depuis la suppression des renseignements généraux…" Autant d'éléments d'apaisement qui, d'après les récentes prises de position du gouvernement, ne sont pas prêts de voir le jour en France.