dimanche 23 juin 2019

La retraite par points




1 – SYSTÈME DE VALIDATION DES TRIMESTRES REMIS EN CAUSE :
LES SALARIÉ(E)S À TEMPS RÉDUIT TRINQUENT
Aujourd’hui, dans le système par répartition, la pension de retraite est notamment calculée en fonction du nombre d’annuités. Pour cela, on comptabilise les trimestres. Dans le régime général, le salaire de base qui permet la validation d’un trimestre est bas : 1 482 euros. Cela quelle que soit la durée d’activité. Ainsi, les femmes salariées à temps réduit, les salariés précaires peuvent voir valider leur trimestre à partir d’un salaire brut mensuel de 494 euros. Ils ne se retrouvent donc pas exclus des droits garantis par notre régime. Avec le système par points, en revanche, le salaire très bas engendrerait un faible nombre de points. Alors qu’avant ces travailleurs avaient droit à un trimestre validé, ils auraient, au nom de « l’égalité du point », des droits réduits à la portion congrue.
L’égalité du point, c’est en fait la remise en cause de tous les mécanismes qui protègent, grâce à la solidarité collective, les plus faibles, les plus exploités.


2. QUE SE PASSERAIT-IL SI LES PÉRIODES DE CHÔMAGE,
DE MALADIE N’ÉTAIENT PLUS PRISES EN COMPTE ?
Depuis des années, la machine est lancée pour aller vers un nivellement par le bas. La retraite par points est basée sur les points acquis par l’activité salariée. Qu’en sera-t-il des périodes de chômage, de maladie, de la majoration de trimestres pour enfant ? Toutes ces périodes sont aujourd’hui validées par le régime général. Le calcul a été fait : tous ces droits garantis par le régime général représenteraient 20 % du montant des retraites. Comment les financer avec la retraite par points ? Le gouvernement fait mine de s’interroger en évoquant deux possibilités : l’augmentation de 20 % de la valeur du point, cela va faire cher la valeur du point ! Ou, autre possibilité, faire dépendre ces droits de « la solidarité nationale ». Dans ce cas, c’est l’État qui les prendrait en charge par le biais de l’impôt. Ce n’est pas rassurant au moment même où le gouvernement se déchaîne contre toutes les aides sociales ! « Un pognon de dingue », selon Macron.
3. OÙ L’ON S’EN PREND AUX INVALIDES
(ENTRE AUTRES) !
La retraite par points fait disparaître la notion de retraite à taux plein. Cela pénalise tous les salariés. Mais les couches les plus vulnérables seront particulièrement touchées.
Par exemple, actuellement, les assurés inaptes au travail, les invalides bénéficient automatiquement du taux plein à 62 ans. Cela peut – dans certains cas – quasiment doubler le montant de leur retraite qui, sans cette disposition, serait très faible. Que deviendraient-ils demain ?
4. LE PLANCHER MINIMUM
DE LA RETRAITE DE BASE DISPARAÎTRAIT
Avec le régime par points disparaît le droit au minimum contributif. Il s’agit du montant plancher de la retraite de base. Dès lors que l’assuré a le nombre de trimestres requis ou le taux plein, son droit au minimum contributif est étudié. Cela peut parfois conduire à multiplier plusieurs fois le montant
d’une retraite. (Le montant du minimum contributif est de 634,66 euros. En 2016, 40,4 % des assurés en ont bénéficié.)
Avec la retraite individuelle par points, l’assuré est tout seul face à son propre calcul : « J’ai assez de points, je peux partir ; je n’en ai pas assez, il faut que je continue à travailler ». C’est l’inverse du principe de solidarité fondateur de la Sécurité sociale.
Nous espérons que ces premières questions abordées vous permettront d’ores et déjà de prendre la mesure du bouleversement total contenu dans cette réforme et de sa dangerosité. Il en est bien d’autres.
Nous nous inquiétons aussi pour notre devenir d’agents de la Sécurité sociale chargés aujourd’hui de cal-culer les retraites, d’établir leur juste montant en application d’une législation complexe qui intègre de nombreux droits. Si nous n’avons plus pour fonction de faire valoir des droits, quel serait notre avenir ?
Nous nous efforcerons de répondre à toutes les questions que vous poserez dans le dossier d’été en huit parties de La Tribune des travailleurs : « La retraite, histoire d’une conquête ouvrière ».



Réforme de l’assurance chômage Le gouvernement annonce un décret anti-chômeurs

 
La réforme de l’assurance chômage a été présentée
par le gouvernement le 18 juin. Elle sera mise en œuvre cet été par décret.
Comme toujours, le gouvernement présente sa réforme comme favorable aux chômeurs. Il prétend qu’il s’agit de favoriser le retour à l’emploi durable
pour les salariés, d’inciter les entreprises à déve-lopper des emplois stables et même de réduire
l’endettement de l’UNEDIC  .


Qu’en est-il réellement ?
 
300 000 demandeurs d’emploi exclus de l'indemnisation
La réforme va exclure de l’indemnisation 250 000
à 300 000 demandeurs d’emploi.
Comment ? En durcissant les conditions d’accès
à l’indemnisation : jusqu’à présent, 4 mois d’acti-
vité sur les 28 derniers mois suffisaient pour béné-
ficier d’une allocation. Désormais, il faudra avoir
travaillé 6 mois sur les 24 derniers mois. Ce sont
les femmes et les jeunes qui seront les principales
victimes de cette mesure car ils et elles subissent
plus que les autres le temps partiel imposé et les
contrats courts.
Avec cette mesure, on passerait de 43 % de chô-
meurs indemnisés à 35 %, et 300 000 demandeurs
d’emploi seraient exclus de l’indemnisation à
laquelle ils avaient droit jusqu’à présent !
La dégressivité des allocations chômage
Est également mise en place la dégressivité des allo-
cations chômage pour les salariés les mieux payés
car « le travail doit payer plus que l’inactivité ».
L’expérience montre qu’une fois mise en place
pour une catégorie de salariés, il sera très facile
d’étendre la dégressivité à toutes les autres.

Un bonus-malus limité
à quelques secteurs d’activité
Au nom de la prétendue lutte contre l’emploi pré-
caire, est instauré un bonus-malus sur les cotisa-
tions chômage. Officiellement, il s’agit de pénaliser
les entreprises qui multiplient le recours aux contrat
précaires, en majorant le taux de cotisation d’assu-
rance chômage. Officiellement... car, finalement,
le bonus-malus, présenté comme une contrepar-
tie imposée aux patrons, sera limité à 5 à 10 sec-
teurs d’activité (hôtellerie-restauration, aide à la
personne, audiovisuel, arts et spectacles, etc.) alors
qu’il devait initialement concerner tous les sec-
teurs d’activité.
Et grâce à ces mesures anti-chômeurs, le gouver-
nement prévoit de réaliser une « économie » de
1,3 milliard d’euros par an !
Dans tous les secteurs (hôpitaux, enseignement,
La Poste, finances publiques, etc.), les grèves se
multiplient contre les contre-réformes du gou-
vernement et pour les revendications. Et le gou-
vernement en rajoute en annonçant, en cette fin
de mois de juin, la suppression de l’assurance
chômage pour des centaines de milliers de tra-
vailleurs et en préparant sa réforme des retraites,
véritable retraite des morts.
Alors, face à un tel programme de guerre contre
les travailleurs, il n’y a qu’une seule réponse pos-
sible : bloquer ce gouvernement et sa politique !
Et pour imposer le retrait de ces mesures, l’unité
de tous les travailleurs, avec leurs organisations,
est la question centrale.

jeudi 20 juin 2019

Les routes nationales privatisées

Un amendement, adopté dans le cadre de la loi Mobilité, relance le débat sur la privatisation des routes nationales. Une évolution causée par le désengagement progressif de l'Etat, qui laisse la voie libre aux intérêts privés.



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Dans le cadre de l’examen de la loi mobilités à l’Assemblée nationale, un amendement a été adopté visant, je cite, à  « faire porter, par une délégation de service public, la création ou l’aménagement d’infrastructures à gabarit routier afin de faciliter, sécuriser ou fluidifier l’accès à une autoroute ou aux itinéraires qui la prolongent ». 
Comprendre : donner aux sociétés d’autoroute la prise en charge des routes nationales, adossées au réseau autoroutier existant. Mais cet amendement est bien moins anecdotique qu’il n’y paraît car il signe en réalité les prémisses d’une privatisation en bonne et due forme du réseau de routes nationales.
Pour ses partisans, cette évolution vise donc à améliorer l’entretien des routes nationales, parfois en très mauvais état. L’État commence par se désengager d’une de ses missions, pour ensuite la supprimer ou la brader à des intérêts privés. On connaissait déjà ce raisonnement dans le secteur ferroviaire où l’on a commencé par réduire le nombre de trains sur les petites lignes pour ensuite les supprimer totalement, arguant de la baisse de leur fréquentation. 
Eh bien c’est ici la même logique : avec une part non négligeable du réseau routier abandonné pour des raisons de rigueur budgétaire, les sociétés privées ont eu beau jeu de se présenter comme les sauveurs providentiels de nos routes nationales... Ce qu’ils se sont donc empressés de faire.
Comme l’explique le sénateur Hervey Maurey, interrogé par France Info, « les sociétés d’autoroute partent du constat qu’aujourd’hui l’état des voiries concédées n’est pas satisfaisant. Elle se proposent donc de récupérer ces sections en échange d’une prolongation de la durée des concessions ». De vrais philanthropes en somme.
Les sociétés d’autoroute mettent également en avant un argument budgétaire et financier. Dans leur immense mansuétude, les sociétés d’autoroute n’ont pas manqué de signaler qu’une telle prise de contrôle des tronçons restants serait une excellente affaire pour le contribuable français.
Une note interne de l’Association des sociétés françaises d’autoroute ou ASFA explique ainsi que « le transfert de tout ou partie du réseau national est de nature à provoquer un choc budgétaire, soulageant le budget de l’État et pérennisant les capacités d’entretiens du réseau ».
Non content de prendre à leur charge l’entretien de nos routes quotidiennes, les acteurs privés nous permettraient ainsi de réaliser de belles économies. Le président de l’ASFA a même déclaré, chevaleresque, qu’à « chaque fois que l’État déciderait d’aménager son réseau de routes nationales, les sociétés d’autoroutes seraient là ».  Nous voilà rassurés.
Cette opération ne se ferait pourtant pas sans contrepartie. Selon un article de Marianne, il ne s’agirait pas d’une privatisation stricto sensu, puisque les sociétés d’autoroute prendraient à leur charge l’entretien des tronçons de routes nationales et obtiendraient, en échange, une hausse des tarifs des péages routiers. Ce qui reviendrait donc à faire payer l’entretien des routes nationales par les usagers des autoroutes.
Difficile en effet d’imaginer une nouvelle prolongation de la durée des concessions, alors qu’elles ont déjà été renouvelées en 2015 et que la Cour des comptes a exprimé son opposition à une telle action. Pas d’inquiétude pour autant : le journal Marianne estime que les sociétés d’autoroute pourraient se satisfaire des travaux à réaliser sur « leurs » morceaux de routes nationales.
Rappelons qu’Eiffage et Vinci sont non seulement des exploitants d’autoroute mais aussi, et peut-être surtout, des entreprises du BTP. Comme l'explique Marianne dans cet article, citant la journaliste Isabelle Jarjaille et son ouvrage Services publics délégués au privé : à qui profite le deal, près de la moitié des contrats passés par les sociétés concessionnaires d’Eiffage, le sont avec des filiales d’Eiffage. Un chiffre qui monte à près de 80%* quand on se tourne vers Vinci. De véritables humanistes on vous dit.
[*Ces chiffres sont issus du rapport de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières sur les marchés et contrats passés par les sociétés concessionnaires d'autoroutes pour l'exercice 2016. Le rapport concernant l'exercice 2017 fait état de 13% des marchés de travaux attribués par Eiffage a ses filiales et 51% de Vinci à ses filiales BTP.]

samedi 15 juin 2019

TUTO : COMMENT SIGNER CONTRE LA PRIVATISATION D'AÉROPORTS DE PARIS




En 2 minutes, on vous explique comment empêcher Macron de brader le patrimoine français, en signant pour la pétition contre la privatisation d'Aéroports de Paris, malgré les obstacles...

vendredi 14 juin 2019

Vu sur Médaapart: Gauches : « Maintenant parlez-vous ! »




Trois semaines après les élections européennes, Mediapart réunit sur le même plateau les représentants des différents partis de gauche. Que sont-ils prêts à faire ensemble ? Quels sont leurs désaccords ? Ils s’expliquent et débattent. Avec Manon Aubry pour la France Insoumise, Ian Brossat pour le Parti communiste, Raphaël Glucksmann pour le PS/Place publique, David Cormand pour Europe Écologie les Verts, et Guillaume Balas pour Génération.s.

lundi 10 juin 2019

Interdit d'interdire : Michel Onfray et Juan Branco : le pouvoir en question




Petit arbre parti trop tôt : RIP le chêne offert à Trump par Macron


La photo de Donald Trump et Emmanuel Macron plantant un chêne dans les jardins de la Maison Blanche avait symbolisé l'amitié affichée par les deux dirigeants.


Par Magazine Marianne

Le chêne sentait le sapin. L'arbre offert par Emmanuel Macron à Donald Trump en avril 2018, à l'occasion de la visite d'Etat du président de la République à Washington, est mort, nous apprend l'AFP ce lundi 10 juin. Tout un symbole, ce chêne ayant eu pour vocation de symboliser l'amitié alors affichée par les deux chefs d'Etat à grand renfort de tapes dans le dos et d'interminables poignées de main. Accompagnés de leurs épouses, ils avaient d'ailleurs, pelles dorées en main, jeté une poignée de terre sur les racines de l'arbuste sous l’œil des caméras du monde entier.
La jeune pousse, qui venait d'une forêt du nord de la France où périrent plus de 2.000 Marines américains pendant la Grande Guerre, avait presque immédiatement disparu, pour être placé en quarantaine. "C'est obligatoire pour tout organisme vivant importé aux Etats-Unis", avait alors expliqué l'ambassadeur de France aux Etats-Unis de l'époque, Gérard Araud, assurant : "Il sera replanté après". En fait, il n'a jamais été replanté, a appris l'AFP de source diplomatique : l'arbre est mort durant sa quarantaine.
Quant aux relations entre Emmanuel Macron et Donald Trump, qui se sont retrouvés à l'occasion du 75e anniversaire du Débarquement
allié en Normandie, elles ont également perdu de leurs feuilles depuis lors
, avec de nombreux désaccords, de l'Iran au commerce…

Agenda de la semaine de Manon

dimanche 9 juin 2019

Amfis d'été : venez débattre avec la France insoumise



Les AMFiS 2019 se tiendront pour leur troisième édition du 22 au 25 
août. 
La ville sera annoncée prochainement. À cette occasion, de nouveaux ateliers
et nouvelles conférences seront proposées. Les conférences/débats se tiendront
principalement le vendredi après-midi et le samedi, et les ateliers de formation
le jeudi après-midi, vendredi matin et samedi matin.
Un message sera envoyé dans les prochaines semaines afin d’indiquer 
l’ouverture des inscriptions.
L’an dernier, lors de la deuxième édition des AMFiS d’été de La France
insoumise, les quelques 3200 participant·e·s ont pu assister à près
140 conférences, ateliers et débats sur des sujets très variés
proposés par les 300 intervenant·e·s présent·e·s pendant 4 jours.
Il est possible de faire des propositions de conférences et d’ateliers
jusqu’au 25 juin par mail à amphisdete@lafranceinsoumise.fr.
La validation définitive du programme étant le 5 juillet, les propositions
postérieures à la date du 25 juin ne seront pas retenues.
Voici quelques informations pratiques :
Les ateliers peuvent être animés par une personne seule ou par un binôme 
paritaire. Ils doivent contenir une partie théorique puis pratique. Il est conseillé 
de prévoir des supports papiers (que nous pourrons imprimer) ou bien des 
visuels à projeter (power-point, vidéos…) Durée : 1H15/1H30
Les conférences/débats peuvent être animés par plusieurs personnes en 
respectant la parité, avec dans l’idéal au moins un·e intervenant·e 
extérieur·e à la France insoumise. Durée : 1h30/2h00
Après validation, Il faudra nous envoyer 400 signes environ pour 
présenter l’Atelier ou la conférence pour le programme définitif.

samedi 8 juin 2019

Première réunion de l’intergroupe des parlementaires insoumis·es




Le jeudi 6 juin 2019 à Bruxelles se réunissait pour la première fois «l’intergroupe» des parlementaires insoumis·es, regroupant les 17 élu·e·s de l’Assemblée nationale et les 6 député·e·s européen·ne·s. Lors d’une conférence de presse, les parlementaires insoumis·es ont évoqué les actions qu’ils pourraient mener en commun comme ils et elles l’avaient déjà fait, dans la mandature précédente, avec des sujets comme l’interdiction du glyphosate ou de la pêche électrique.
Les député·e·s européen·ne·s insoumis·es ont réaffirmé qu’ils et elles ne participeraient pas à la «grande coalition» qui est en train de se former avec les libéraux, les écologistes, les conservateurs et les sociaux-démocrates.

lundi 3 juin 2019

Remplacer l'avion par le train ? Pourquoi l'Europe Easyjet est si difficile à combattre

Par Alexandra Saviana
Décryptage

Pour lutter contre la pollution émise par le transport en avion, plusieurs élus en France proposent de taxer le kérosène, voire de supprimer les lignes aériennes quand le TGV fait mieux. Deux solutions difficiles à mettre en place à l'échelle européenne…

Pour ou contre la fin du Paris-Marseille en avion ? Plusieurs députés écologistes, LFI, socialistes et LREM ont déposé des amendements à la Loi d'orientation des mobilités (LOM), débattue à l'Assemblée nationale à partir de ce lundi 3 juin, afin de supprimer en France les petites lignes aériennes dont le trajet est réalisable, rapidement et en ligne directe, en train. Une autre proposition, émise par le député LFI François Ruffin, est de taxer les billets d'avion et le kérosène. Des politiques de découragement des courts trajets en avion que d'aucuns refusent de mettre en place en France tant qu'elles ne sont pas appliquées à une plus large échelle, au minimum européenne. Sauf que dans la pratique, changer d'échelle pose des problèmes supplémentaires, voire mène à une impasse.

La taxe kérosène, inefficace ?

François Ruffin est pourtant loin d'être le premier à vouloir réinventer la taxation du kérosène. Laquelle est interdite sur les vols internationaux depuis la convention internationale de Chicago, signée en 1944. Certains pays, dont la France, ont depuis lors élargi cette règle à leurs vols intérieurs. Remise en question par le mouvement des gilets jaunes, cette exemption était revenue dans le débat au point qu'en avril, le ministre de la Transition écologique, François de Rugy, avait estimé que la France ne pourrait "pas continuer sur un accord mondial qui date de 1944" : "En 1944, personne ne parlait du dérèglement climatique et de l'effet de serre. Les choses ont changé", relevait-il, se déclarant favorable à une taxation sur "les vols internes à l'Union européenne".
Alors, bientôt la fin de l'Europe Easyjet, celle des sauts de puce aériens à prix cassés entre les capitales du continent ? Concernant une taxe kérosène européenne, le premier obstacle soulevé est bien sûr celui de la compétitivité des compagnies concernées sur la scène internationale. "Cette taxe serait moins suicidaire qu'une taxation nationale mais poserait toujours un problème pour les compagnies européennes, relève Alain Bonnafous, professeur émérite de l’Université de Lyon et chercheur au Laboratoire d'économie des transports. La partie principale de leur activité dégagerait moins de marges, alors que les opérateurs non-européens ne seraient touchés que marginalement". Selon lui, une taxe européenne sur le kérosène serait donc du pain bénit pour le reste des compagnies aériennes : "Pour éviter que le secteur aérien européen perde sa compétitivité, il serait préférable que cette taxe ne soit pas seulement intra-continentale mais que d'autres pays l'accompagnent. Or, il est difficile d'imaginer Donald Trump appliquer une taxe sur le kérosène sur les vols extérieurs".
Spécialiste des transports, l'économiste Yves Crozet est convaincu de l'inévitabilité de cette taxe mais doute qu'elle soit réellement efficace pour diminuer l'importance du trafic aérien. Car les vols intra-européens low-cost, devenus "ultra-compétitifs", les ont rendus incontournables : "Au fil des années, le transport aérien s'est démocratisé". L'UE draine aujourd'hui un tiers du marché mondial et près de 800 millions de voyageurs ont transité par les aéroports de l'Union en 2010, selon la Commission européenne. "Une taxe sur le kérosène aura probablement un impact dérisoire sur le prix des billets. Je doute qu'elle dissuade réellement les passagers de prendre l'avion", conclut l'économiste.

A l'Europe de vous faire préférer le train ?

 

C'est pourquoi, afin de limiter la facture en CO2 des Européens, des élus proposent aujourd'hui de carrément les obliger à prendre le train quand celui-ci offre une alternative efficace. Dans la proposition de François Ruffin, applicable à la France, il s'agit d'interdire tout simplement les lignes aériennes "lorsque l’avion ne fait pas gagner beaucoup de temps, ce que nous quantifions à la durée du vol plus 2h30". Et ce, afin de tenir compte du fait que prendre un avion induit une perte de temps dans les transports vers et depuis l'aéroport, les contrôles de sécurité, les temps d'embarquement et de débarquement…
"Depuis l'attentat du 11 septembre 2001 et l'accroissement des contrôles de sécurité dans les aéroports, il est souvent plus rapide de prendre le train, appuie Alain Bonnafous. Avec le rail, vous arrivez toujours en centre-ville, au contraire de l'avion, qui nécessite presque toujours d'emprunter une voiture ou un autocar pour le rejoindre". "Nous sommes entrés dans l'ère du transport de masse. Le train remplit parfaitement cet impératif : en France, un TGV circule toutes les 5 minutes. Fréquence qui se réduira bientôt à 3 minutes", complète Yves Crozet. Or, pour un trajet de plus de 500 km aller-retour, un avion émet entre 145 et 241 kg de CO2 par passager. Par comparaison, la voiture ne fait pas beaucoup mieux, avec environ 170,6 kg par personne. Les chemins de fer, en revanche, font figure d'excellents élèves : 11,8 kg par personne pour un train classique et jusqu'à seulement 3,2 kg de dioxyde de carbone pour un TGV ! Remplacer l'avion par le TGV, c'est donc assurément la bonne opération en termes de bilan carbone. Reste que l'idée n'est applicable - à une liste de trajets listés par le député - que grâce à un réseau de lignes à grande vitesse (LGV) particulièrement bien développé en France. Exemple : Paris-Marseille, 775 km, 3h05 en TGV contre 1h20 d'avion + 2h30 d'à-côtés = 3h50. Mais nos voisins ne sont pas si bien équipés…

Le retard… de l'Allemagne

Prenons le plus grand d'entre eux, par ailleurs pays le plus peuplé de l'UE : l'Allemagne. Leader économique du continent, les Allemands ont en revanche oublié de développer leur réseau de trains à grande vitesse ! Le magazine Spiegel s'est d'ailleurs amusé récemment à recalculer la durée des trajets entre les villes les plus importantes du pays si celles-ci étaient reliées aussi efficacement qu'en France. Le résultat souligne le gros retard allemand : un Berlin-Cologne serait réduit de 5h à 2h21 et un voyage de Munich à Hambourg (790 km, soit l’équivalent d'un Paris-Marseille) ne prendrait que 3h12 contre… 5h35 aujourd'hui. "Même sur la longue route Munich-Hambourg, le train avec un temps de trajet d'un peu plus de trois heures serait généralement plus rapide que l'avion, les passagers devant toujours prendre en compte l'arrivée et le départ pour l'aéroport ainsi que les temps d'attente nécessaires", relève le Spiegel. En effet, par voie aérienne, un Munich-Hambourg prend aujourd'hui 1h15. Si l'on y ajoute les 2h30 d'à-côtés calculés par la proposition française, cela donne 3h45. Sauf qu'en regard des 5h35 sur le réseau existant, l'avion reste nettement meilleur.
Le retard allemand dans le ferroviaire est général, dans un pays qui a toujours privilégié la voiture au ferroviaire. "L'explication est à trouver dans l'état des infrastructures, note Vincent Bourquin, co-responsable du Sustainable Engineering Systems Institute à Fribourg, en Suisse. Si on veut rendre le train plus attractif, il faut y mettre les moyens en terme de rénovation. Lorsqu'il est question d'infrastructures, le train demande plus d'attention que l'avion". Attention que n'ont pas toujours portée les pays européens. Résultat : en l'état actuel du réseau, obliger les Allemands à prendre le train plutôt que l'avion paraît donc peu réaliste.
Le train européen doit donc faire face à un problème de taille que n'a jamais connu l'avion : la disparité des systèmes ferroviaires. Quand un Paris-Berlin se fait en à peine 1h45 en avion, le trajet dure... plus de 8h30 par rail. La France aura beau mettre l'accent sur le développement de ses lignes à grande vitesse, comment faire émerger un vrai réseau européen si ses voisins ne l'accompagnent pas ? "L'espace aérien a toujours été internationalisé. A l'inverse,chaque pays a développé de son côté son propre chemin de fer, sans prendre en compte celui des pays voisins, note Patrice Salini, économiste des transports. Il faudrait un plan d'investissement dans le train, alors que la liaison existe déjà par avion. Le réseau européen s'est tissé entre la complémentarité des transports aérien et ferroviaire". Un modèle que seule une volonté politique forte pourrait remettre en cause.