De quoi le Covid-19 est-il le nom ? De la globalisation
par Philippe Hervé
Membre de la Rédaction de
ReSPUBLICA, Philippe Hervé analyse régulièrement pour le journal – et ce
depuis 2008 – les développements de la crise du capitalisme monétaire :
retrouvez ses textes dans le livre Dans quelle crise sommes-nous ? (voir notre Librairie militante, sur ce site).
Le Covid-19 est l’une des terribles
conséquences, avec le réchauffement climatique, de ce dispositif mondial
de « distanciation » des rapports de production mis en place à la fin
des années 1970. Ce dispositif hyper complexe, trop sophistiqué, à
l’architecture archi baroque, était en fait fragile, très fragile. Il
vient d’exploser sous nos yeux. Le coronavirus a contaminé un corps
économique malade, déjà terriblement déprimé depuis la crise systémique
de 2007-2008, et qui survivait difficilement en redoutant chaque hiver.
La réalité concrète est implacable : ce dispositif créé par le
capitalisme financier pour continuer malgré tout à imposer sa loi était
programmé pour mourir jeune. C’est fait !
L’étincelle mettant « le feu à la
plaine » aurait pu être une crise financière ou une guerre régionale de
grande ampleur. Ce fut une crise sanitaire, que beaucoup craignaient
d’ailleurs depuis l’épisode du SRAS en 2002-2003, en Chine également.
Mais cette crise particulière est d’autant plus terrible que rien
n’était prévu pour y faire face. Aucune stratégie, aucune tactique
n’était programmée. Une guerre est parfois prévisible, une crise
financière peut être limitée en partie, mais celle-ci, avec cet arrêt
universel de la production, est totalement inédite. Aujourd’hui, plus de
3 milliards d’humains sont confinés chez eux sans travailler. On
pourrait parler de lock-out général sur la planète.
Ce caractère fulgurant est particulièrement déstabilisant pour nos
dirigeants politiques et encore plus, peut-être, pour l’hyper
bourgeoisie transnationale.
Le monde d’aujourd’hui n’est pas né de
nulle part : il est le résultat d’une impossibilité de continuer
l’exploitation du salariat et de poursuivre le dispositif des rapports
sociaux hérité de la guerre froide. Des années 1960 aux années 1980, le
capitalisme a été confronté à une de ses plus graves crises. Une lutte
de classe d’une puissance inouïe a secoué l’Europe et l’Amérique du Nord
en ces temps-là. Pour résoudre cette contradiction, vers la fin des
années 1970, le capitalisme financier international a passé un accord,
un deal historique,
avec la Chine populaire de Feng Xiaoping : la classe ouvrière mondiale
serait donc à partir de cette période progressivement décentralisée et
cantonnée sous contrôle autoritaire en Asie, bien loin des métropoles
occidentales pour éviter les confrontations violentes ayant amené Mai-68
en France ou le « Mai rampant » italien. La mise en place de ces
« circuits longs – les productions manufacturières exigeant des parcours
de plusieurs dizaines de milliers de kilomètres, entre les matières
premières de base et les produits finaux -, semblait être la solution
définitive pour la survie du capitalisme financier. Bref, cela
ressemblait à une sorte de « fin de l’histoire ». Le capitalisme
envisageait après 1990 une victoire définitive et une domination sans
fin sur le monde. Mais, il s’agissait d’une victoire passagère et
historiquement déstabilisante au profit de la Chine populaire, porteuse
dans son code génétique d’un chaos programmé.
Après quatre siècle d’évolution et de
mutation, le capitalisme en est arrivé à son stade ultime, la
financiarisation mondialisée. Ce dispositif d’exploitation planétaire
est le résultat de l’évolution des rapports sociaux. Ce n’est pas un
choix volontaire mais la résultante d’une lente évolution dialectique.
Il est, en fait, la seule chance de survie du capital. Illustrons par
une image : le capitalisme est une sorte d’automobile dont la boîte de
vitesse est dépourvue de marche arrière ! Ceux qui pensent que le
capitalisme peut revenir « à l’épisode précédent », c’est-à-dire à celui
des années 1950 ou 1960, lorsque les bourgeoisies nationales « à la
papa » géraient leurs prés carrés nationaux, l’époque des de Gaulle,
Adenauer et consorts, se trompent. Ce capitalisme d’hier est depuis
longtemps parti aux poubelles de l’histoire, victime qu’il fut de ses
contradictions. Il sera donc illusoire de vouloir « relocaliser » usines
ou services en conservant la domination du capital. Bref, comme disait
Marx « l’histoire ne repasse pas les plats ».
Il faut bien comprendre que pour le
moment le capital mondialisé ne dispose pas de plan B. Désemparé, il
peut se montrer extraordinairement dangereux. D’autant plus que la Chine
populaire, avec à sa tête le Parti communiste, peut sortir grand
vainqueur de cette situation explosive. Le capitalisme occidental dirigé
par les USA via des
organisations telles que l’OTAN ne tolérera pas une sorte de victoire
« à la loyale » des oppositions entre systèmes politiques. D’où
d’immenses dangers de confrontations militaires. Déjà, l’état-major de
l’US Army a alerté sur le danger des « déstabilisations politiques » que
pourrait entraîner cette crise sanitaire, déstabilisations que les
États-Unis ne pourraient tolérer. Avec un leader tel que Trump, tout est
possible… surtout le pire.
Ne nous y trompons pas, même si la
crise sanitaire proprement dite est jugulée en quelques mois (en étant
très optimiste), ses conséquences seront ravageuses, en particulier pour
les classes populaires. Les milliers de milliards de dollars injectés
dans le système monétaire ne provoqueront qu’hyper-inflation, chômage et
misère. Les « héros » d’aujourd’hui, caissières, livreurs, routiers,
infirmières, éboueurs… ex « gilets jaunes » d’hier que l’on éborgnait il
y a peu, seront les premières victimes de l’effondrement économique qui
est le programme de « l’après-confinement » de nos dirigeants. Aucune
confiance, aucune volonté d’union nationale ne doit être à l’ordre du
jour dans le camp populaire !
Dans cette situation historique, il n’y
a que deux voies, ou bien la mutation du capitalisme vers une barbarie
totalitaire pour défendre son dispositif coûte que coûte, alors que
celui-ci a fait défaut de manière définitive, ou bien les forces
populaires ont la capacité de le renverser. Si la « révolution passive »
de la domination du capital, comme disait Gramsci, l’emporte
– c’est-à-dire que la multitude désarmée s’en remet pour son malheur aux
ordres de réorganisation, dans la misère et la pénurie, à l’État
incompétent et violent – le niveau d’oppression sera cette fois d’une
ampleur inédite. La situation serait particulièrement difficile en
France car policiers nationaux et municipaux, gendarmes, forment une
véritable armée de plus de 300 000 hommes. N’oublions jamais que la
France est le pays le plus policier du monde en termes de nombre de
fonctionnaires des corps répressifs par rapport à la population. Ils ont
d’ailleurs permis à l’État de « tenir le coup » en réprimant certains
samedis plus de 400 manifestations de « gilets jaunes » au même moment
dans le pays… Une prouesse incroyable et unique au monde ! Le danger est
que le contrôle exceptionnel des citoyennes et des citoyens pendant le
confinement ne devienne en fait la règle permanente pour imposer à tous
l’effondrement du niveau de vie des classes populaires et des classes
moyennes.
La riposte ne peut venir que d’une
prise de conscience par le peuple de sa force et de sa capacité autonome
de mobilisation et d’action. Dire que Macron et Philippe sont
incompétents, cette évidence n’a pratiquement aucun intérêt pour la
suite des événements. C’est participer au « spectacle » sans plus.
Devant l’incurie des gouvernants pour les petits problèmes comme pour
les énormes catastrophes, il faut que dans les prochains mois et les
années, émerge enfin un « double pouvoir ». Tant sur le plan sanitaire,
alimentaire, scolaire, logistique, entrepreneurial, sécuritaire, etc, il
faut que se construisent patiemment et rigoureusement des initiatives
concrètes et pertinentes permettant aux citoyennes et citoyens de… tout
simplement « s’en sortir ! » au quotidien dans le marasme à venir.
Par exemple, sur le dossier des éventuelles nationalisations
d’entreprises, sans la mise en contrôle par les salariés de ces entités,
le seul résultat serait de confier la gestion aux trusts monopolistes
qui nous ont amenés à la situation actuelle. L’émergence de ce « double
pouvoir » est la condition, et la première étape indispensable à un
changement de paradigme. Il permettrait de sortir de la passivité et de
la sidération qui sont les meilleures alliées de l’hyper-bourgeoisie qui
nous gouverne. Des comités de quartiers, de villes et villages,
d’entreprises, d’écoles … doivent être capables de se substituer aux
défaillance de l’État et des structures monopolistiques. C’est par cette
expérience pratique que l’on pourra avancer vers une sortie du
désastre. Ce « double pouvoir » doit se faire sur la base d’une alliance
de classe la plus large possible, de tout ceux qui ont à souffrir de
l’incurie de nos gouvernants et qui seront spoliés. Ouvriers, chômeurs,
employés, professions libérales, petits entrepreneurs, professions
intellectuelles et artistiques, bref tout le peuple français dans sa
réalité et sa diversité doit devenir autonome par rapport à l’État. Car
si le dispositif du pouvoir reste ce qu’il est, le pire est pour demain.
Sans ce « double pouvoir », aucune
solution politique alternative ne peut émerger. Si par contre celui-ci
existe, tout est possible !
Aujourd'hui, nombre de commentateurs déploient des trésors de rhétorique pour démontrer que non, les méchants "souverainistes" n'avaient pas raison de plaider pour le maintien de capacités de production en France. Admettre qu'on s'est planté, c'est visiblement douloureux.
« Union nationale ». Ça sonnerait presque comme une injonction. Malheur à qui viendrait rompre cette belle union. C'est vrai, on est en guerre, il ne faudrait pas commencer à poser des questions ou détourner l'effort des combattants. Contentez-vous d'applaudir les soignants, et, quand on vous le demande, de revenir travailler. D'ailleurs, effort de guerre oblige, on en profitera pour vous rogner quelques droits et quelques libertés. Mais on est en guerre, n'est-ce pas... La posture du chef de guerre, hélas, a des ratés. L'air martial et le ton grave, la mobilisation générale, demandent un minimum de crédibilité. Et ce qui semble s'imposer dans une part de l'opinion, c'est que le Président fait ce qu'il peut (pour ceux qui lui accordent au moins ce crédit), mais qu'il ne peut pas grand-chose.
L'état d'esprit des Français
Qui se promène sur les réseaux sociaux (seul lieu de « promenade » autorisé en ce moment) y voit, non pas un condensé mais un concentré de l'état d'esprit des Français. Des états d'âmes et des opinions amplifiés, exacerbés, poussés à l'extrême. Bien sûr, il y a les élans de solidarité. Tous ces gens, de quelque milieu que ce soit, qui se mobilisent, parfois en toute discrétion, pour agir, pour faire leur part. Et puis il y a le reste. Le débat, tout à fait justifié, mais aussi les assauts de haines, de jalousie, de soupçon. Les mots-dièse accusateurs, les délires complotistes, les obsessions revanchardes. Les fractures béantes qui se manifestaient depuis des mois ne disparaissent pas. Une crise comme celle que nous vivons est au contraire une centrifugeuse. Et c'est la Nation qui se disloque un peu plus.
Emmanuel Macron est en train de comprendre ce à quoi est réduit un président français. Appuyer sur des boutons, seul dans le cockpit, et constater que rien ne se passe.
La grandiloquence présidentielle n'y fera rien. Elle agit plutôt comme un révélateur de l'impuissance. Personne n'ira soupçonner le Président de ne pas faire tout ce qu'il peut pour limiter les effets de cette pandémie. Il faudra bien évidemment discuter les choix, enquêter sur les procédures, une fois l'urgence passée, mais la volonté, elle, est indéniable. Le problème est autre. Emmanuel Macron est en train de comprendre ce à quoi est réduit un président français. Appuyer sur des boutons, seul dans le cockpit, et constater que rien ne se passe.
« - Faites livrer des masques, des tests, qu'on sache tout de suite qui est malade. - Monsieur le Président, on n'en a même pas assez pour les soignants. - Mais il faut en fabriquer ! Faites tourner les usines. - Mais Monsieur le Président, il n'y a plus d'usine en France depuis longtemps. Souvenez-vous, on trouvait ça génial, une société de services. L'industrie, les usines, c'était ringard. Il fallait que tout le monde devienne autoentrepreneur... - Alors on fait quoi? - On fait une intervention télé, vous leur dites que les masques, ça sert à rien, mais qu'on est en guerre et qu'on va gagner. » Il est des éléments que nul ne pouvait prévoir. La Chine a sous-estimé l'épidémie dans une proportion effarante. Les 45.000 urnes funéraires remises à des familles chinoises de Wuhan, alors que le chiffre officiel des morts chinois est de 3.298, laissent imaginer l'ampleur du mensonge. Et des médecins, supposés spécialistes, ont expliqué durant tout le mois de février que les médias en faisaient trop avec cette épidémie. L'humilité est donc de mise, et les « ils savaient et n'ont rien fait » sont stupides.
gouverner, c'est prévoir
En revanche, il est un principe face à l'incertitude : gouverner, c'est prévoir. Et prévoir même l'imprévisible. C'est-à-dire préparer les instruments pour lutter contre une menace qu'on n'identifie pas encore. « Si tu veux la paix, prépare la guerre ». Et ce qui scandalise nombre de citoyens est l'impression que nous abordons cette supposée guerre totalement désarmés. Pas de respirateurs, pas de masques, pas de réactifs pour les tests. Et la seule usine de production de bouteilles d'oxygène fermée en 2019. La fatalité ? C'est ce qu'essaient de nous faire croire certains commentateurs. Alors que tout cela résulte des politiques mises en œuvres depuis vingt ou trente ans, avec l'assentiment de tout un système politico-médiatique. Emmanuel Macron ne fait qu'hériter d'une situation dont il est loin d'être le principal responsable - mais responsable tout de même, puisqu'il n'a eu de cesse de sanctifier et perpétuer ce système, d'abord en tant que conseiller puis ministre de l'Economie de François Hollande, ensuite comme candidat et président.
La « projection des fantasmes », c'est l'argument ultime
Seulement voilà, depuis vingt ans, on explique au peuple français que ceux qui alertent sur la folie de la désindustrialisation, ceux qui parlent de filières stratégiques à protéger, sont d'affreux nationalistes, des nostalgiques ringards à l'idéologie nauséabonde, des suppôts de l'extrême droite. Et visiblement, certains ont comme des aigreurs à reconnaître qu'ils se sont plantés. Alors, il faut à tout prix démontrer que ça n'a rien à voir. Sur France Inter, le 20 mars, on entendait Léa Salamé regretter que « chacun projette ses fantasmes sur cette crise. Les souverainistes, les décroissants, les anti-mondialistes... » Dans Libération, Laurent Joffrin tient à peu près le même genre de discours, quitte à caricaturer la pensée de Marcel Gauchet.
La « projection des fantasmes », c'est l'argument ultime. Le même qu'on avait vu apparaître avec la crise des gilets jaunes. Vous pensez que les gilets jaunes sont le résultat de trente ans d'abandon des territoires, de recul des services publics, de destruction du tissu de PME dans les villes moyennes ? Voyons, vous projetez vos fantasmes ! D'ailleurs, il n'y a rien à comprendre de cette crise, et surtout pas que les défenseurs du système actuel se sont vautrés dans les grandes largeurs.
"reprendre le contrôle"
Aujourd'hui, même chose. Puisqu'on vous dit qu'on n'aurait pas pu faire mieux ! Et puis, ce n'est pas le moment, on parlera de ça plus tard, pour l'instant, il faut être solidaires et lutter tous ensemble. Et plus tard, quand ce sera fini, on vous dira qu'il n'est plus temps de revenir sur cette crise, qu'elle est derrière nous, qu'il ne faut pas vivre en permanence tourné vers le passé. Ceux qui ont alerté, ceux qui alerteront, sont d'insupportables idéologues. Quand on appartient au cercle de la raison, aux gens propres sur eux qui pensent comme il faut, on s'interdit d'analyser... enfin, surtout quand une analyse honnête obligerait à remettre en cause les dogmes dudit cercle.
Les défenseurs de la souveraineté, donc de la capacité à ne pas dépendre d'autre pays pour la production de biens essentiels, sont depuis longtemps qualifiés de « souverainistes », ce qui, en langage médiatique, signifie « d'extrême droite », accusés de vouloir fermer les frontières, assimilés aux identitaires de tous poils. Et bien sûr, quand Emmanuel Macron constate qu'on « a abandonné trop de choses au marché » et qu'il est temps de « reprendre le contrôle », ça n'a rien à voir. Lui, il n'est pas souverainiste, il dresse un constat raisonnable. Et comme il prônait l'inverse il y a quelques semaines encore, il n'est pas soupçonnable d'être dans le mauvais camp...
Temps de guerre ?
D'ailleurs, fort de cette idée que l'idéologue, c'est toujours l'autre, on peut, dans un journal raisonnable, titrer un article, en dehors de toute idéologie : « Les droites accros à la chloroquine ». Les droites, dont l'extrême droite, mais aussi les mélenchonistes, ce qui prouve bien, n'est-ce pas... Mais en dehors de toute idéologie, bien sûr...
On peut ne pas goûter les capacités d'autopromotion du professeur Raoult et pour autant se demander si l'allergie légitime du milieu médical aux figures médiatiques ne serait pas, cette fois, un frein dommageable
Entendons-nous bien. Il est actuellement impossible pour un non-spécialiste d'avoir un avis éclairé sur l'efficacité ou non de la chloroquine. Les discours scientifiques sont éminemment contradictoires et devraient inciter chacun à cultiver l'art de la nuance. En revanche, il est possible de s'interroger sur la façon dont les différents pays s'organisent pour avancer dans les recherches, sur les délais administratifs. Il est permis de se demander si, dans une crise d'une telle ampleur, il ne faut pas prendre davantage de risques qu'en temps normal. On peut ne pas goûter les capacités d'autopromotion du professeur Raoult et pour autant se demander si l'allergie légitime du milieu médical aux figures médiatiques ne serait pas, cette fois, un frein dommageable. De même, on peut avoir conscience de ses limites en matière de recherche biologique et comprendre que la pesanteur administrative explique, bien mieux que la prudence scientifique, le temps qu'il faut à la France pour mettre en route la production de tests efficaces. Quatre laboratoires vétérinaires départementaux se sont ainsi vu refuser l'offre qu'ils faisaient de produire plus de mille tests par jour, au motif qu'on ne mélange pas la santé animale et la santé humaine. Étrange façon de mener une guerre...
Le virus le plus fréquent en France
Pointer tout cela relève-t-il du complotisme ou de la déviance idéologique ? A chaque crise, les esprits éclairés nous expliquent que les Cassandre, qui avaient alerté dans l'indifférence générale, sont un peu responsables du malheur qui survient. Qu'ils se taisent, les oiseaux de mauvaise augure, et que la fête reprenne de plus belle ! Le virus le plus fréquent en France, celui qui consiste à renvoyer à l'extrême droite quiconque a le mauvais goût de ne pas applaudir à ce système dont les incuries apparaissent de plus en plus au grand jour, n'a pas encore trouvé de vaccin.
Le projet de loi d'urgence lié au coronavirus autorise une nouvelle
limitation des congés payés ou du repos hebdomadaire. Une remise en
cause des acquis sociaux... qui pourrait prospérer, jusqu'à une période
indéterminée après la fin de la crise.
Le
Sénat a adopté le projet de loi du gouvernement ce jeudi dans la nuit.
Il devrait être voté définitivement par l'Assemblée nationale, ce
vendredi. Et surprise, entre l'avant-projet que Marianne a pu
consulter et le texte finalement déposé au Parlement, les mesures devant
permettre la relance des entreprises, comme la limitation des congés
payés ou des 35 heures, ont perdu leur caractère "provisoire". En
séance, la ministre Muriel Pénicaud a expliqué que "par nature, ces mesures sont limitées à la durée de la crise sanitaire".
Tout en refusant d'inscrire dans le texte une date de fin de validité.
Ci-dessous, l'article tel qu'il a été publié, ce mercredi. Notre nouvel
article sur le sujet, avec les modifications du Sénat, est lui à lire ici.
"Beaucoup de certitudes, de convictions seront balayées",
a annoncé Emmanuel Macron, ce lundi, à propos de la crise du
coronavirus. Le chef de l'Etat n'a pas tardé à tenir parole puisque dès
ce mercredi 18 mars, il apparaît que certains acquis sociaux vont être
remis en cause. Provisoirement. Tel est le sens du projet de loi
d'urgence lié à la crise du coronavirus, soumis au Parlement à partir de
ce jeudi, et que Marianne a pu consulter. Ce texte prévoit
d'habiliter le gouvernement à légiférer par ordonnances dans des
domaines aussi divers et sensibles que le droit aux congés payés, au
repos hebdomadaire, les trente-cinq heures, ou encore la publicité de la
justice. Pour soutenir les entreprises, l'exécutif a choisi de se
donner la possibilité de détricoter un certain nombre de droits acquis
pour les salariés. Sur le confinement, des règles strictes et
particulièrement protectrices des droits individuels ont en revanche été
retenues. Décryptage.
Le ministre des comptes publics l'a annoncé ce mercredi aux Echos
: cette année, la croissance française sera probablement négative. De
nombreuses entreprises sont déjà à l'arrêt en raison de l'épidémie, et
pourrait devoir fermer leurs portes. Pour empêcher cette faillite
généralisée, le projet de loi concrétise le plan musclé annoncé par le
gouvernement ces derniers jours. Report de charges, de versements de
loyers professionnels, renoncement à des pénalités... Tout est fait pour
soutenir les sociétés françaises.
En contrepartie, le texte prévoit que le gouvernement pourra, par ordonnances, "limiter les ruptures de contrats de travail".
Des licenciements pourront être refusés, mais aussi des ruptures de
périodes d'essai. Il s'agit là de la principale mesure en faveur des
droits des salariés. Car pour le reste, l'orientation du texte est bien
de soutenir l'activité... au détriment de certains acquis sociaux.
Congés remis en cause
La future ordonnance, que le gouvernement aura trois mois pour prendre, soit jusqu'en juin, pourra ainsi "modifier
les conditions d’acquisition de congés payés et permettre à tout
employeur d’imposer ou de modifier unilatéralement les dates de prise
d’une partie des congés payés, des jours de réduction du temps de
travail". En clair, les 2,5 jours de congés payés acquis par mois
appartiendront peut-être bientôt au passé... Quant aux RTT, un régime
plus restrictif pourra également être mis en place.
Le droit au repos est aussi touché. Première conséquence, dans
certaines entreprises, les trente-cinq heures pourront être détricotées.
Les règles concernant le repos hebdomadaire aussi. L’article 17 du
projet de loi autorise en effet le gouvernement à "permettre aux
entreprises de secteurs particulièrement nécessaires à la sécurité de
nation ou à la continuité de la vie économique et sociale de déroger de
droit aux règles d’ordre public et aux stipulations conventionnelles
relatives à la durée du travail, au repos hebdomadaire et au repos
dominical". Reste à préciser quelles seront ces entreprises. Des
sociétés comme la SNCF, la RATP, ou du secteur de la santé, voire comme
Renault ou Air France, pourraient être concernées.
48 heures par semaine au maximum
Cette réforme ne signifie pas pour autant que le gouvernement pourra faire n'importe quoi. Les mesures décidées devront être "conformes au droit de l’Union européenne",
précise le texte. Concernant le temps maximum de travail, l'UE l'a par
exemple fixé à 48 heures par semaine. Et concernant les congés payés,
une directive les a fixés à quatre semaines par an minimum.
Les
ordonnances "Coronavirus" devront par ailleurs respecter la Constitution
française. Le Conseil constitutionnel se fait sourcilleux sur le
respect de certains principes, comme la liberté d'entreprendre. Une
interdiction générale des licenciements pourrait être censurée, par
exemple. Enfin, ces textes devront être validés, après leur entrée en
vigueur, par le Parlement. Comme c'est le cas pour toute ordonnance. A
défaut, ils seront annulés.
Ces mesures concernant le champ social sont annoncées par le projet de loi comme devant être "provisoires", et ce "afin de faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de la propagation du virus Covid-19".
Le texte ne prévoit pour autant pas de date limite. Elles resteront
donc en vigueur même après la crise sanitaire, jusqu'à une période
encore indéterminée.
Confinement... pour douze jours
"Aux seules fins de limiter pendant la durée de propagation du virus Covid 19 les contacts physiques",
le gouvernement pourra aussi décider de limiter la publicité des
audiences de justice, voire d'organiser des audiences à distance, grâce
aux dispositifs de visioconférence. Même idée en garde à vue, où
l'avocat du justiciable pourra intervenir à distance. Les titres de
séjour bientôt expirés pourront par ailleurs être prolongés de six mois.
Concernant
le confinement de la population, le texte pose des bornes claires. Et
institue un nouveau principe : l'état d'urgence sanitaire. Pendant cette
période, que le président de la République pourra décréter, les
libertés de se déplacer et de se réunir pourront être limitées par voie
réglementaire pendant douze jours. L'amende pour les contrevenants est
fixée à 135 euros.
Cette période de confinement pourra être
prolongée une seule fois, ce qui devra passer par le vote d'une loi.
Cette loi devra fixer une date définitive de fin de l'état d'urgence
sanitaire. Un choix protecteur des libertés mais étonnant : par
définition, il semble difficile de fixer à l'avance la fin d'une crise
sanitaire. Rien n'empêcherait, toutefois, que le chef de l'Etat, au bout
du processus, fixe un nouvel état d'urgence sanitaire.
Le projet
de loi fixe, enfin, une nouvelle échéance pour le second tour des
élections municipales : au plus tard en juin prochain. Les résultats du
premier tour restent acquis. La date de dépôt des candidatures de second
tour, qui inquiète l'opposition, sera elle laissée à la discrétion...
du gouvernement, qui procédera là aussi par ordonnance. Au risque de
faire hurler le PS et LR.
Le gouvernement
entend profiter du contexte pour revenir sur certains acquis sociaux à
l'aide de la loi "urgence coronavirus" qui doit être votée dans le
week-end. Or les mesures en question sont « provisoires » uniquement
jusqu'à ce qu'elles ne le soient plus. Elles remettent en question la
durée légale du travail et font grandement évoluer la prise des congés
payés. Bref, en fait d'avancées sociales, on risque plutôt d'avoir droit
aux 35 heurts.
Les personnels
soignants sont encore plus à plaindre. Oubliés par les gouvernements
depuis des années, méprisés au moment des grèves, ils continuent à faire
face malgré la fatigue et la lourdeur de la tâche. Malgré le manque de
temps et le manque d'argent. C'est beau, pour les remercier, de frapper
des mains. A condition de ne pas se contenter de se les laver juste
après.
Et si l'on
profitait de l'arrêt des activités pour trouver des solutions pour
l'emploi ? Et de l'atmosphère actuelle pour prendre des mesures en
faveur du climat ?
Les moments qui nous sont offert par le confinement ne sont-ils pas propices pour repenser le fonctionnement mondial, surtout à la manière de produire local pour éviter la danse infernale autour de notre planète qu'engendre l'économie du libéralisme débridé?
Revenir à l'essentiel voir un peu plus. Oublier le superflu éphémère engendré par la Pub.
Je vous fais suivre un article sur Futura-Sciences
Dans
un article scientifique publié en 2007, les scientifiques annonçaient
déjà qu'une telle pandémie était très probable, surtout à cause de la
consommation d'animaux exotiques en Chine.
Avant l'émergencedu Sars-CoV-1 en 2003, seulement 12 coronavirus étaient connus chez l'Homme ou chez d'autres animaux. La découverte de ce virus
a amplifié l'étude des coronavirus chez les animaux et cette
surveillance a agrandi notre connaissance : on sait désormais qu'il
existe au moins, chez des animaux exotiques particulièrement, 36 coronavirus différents. Pourtant, cela n'a pas empêché la pandémiede Sars-CoV-2 que nous connaissons actuellement. Pourquoi ?
La consommation d'animaux exotiques : une bombe à retardement
C'est
après avoir fait un inventaire conséquent des caractéristiques du
Sars-CoV-1 en 2007 concernant les aspects épidémiologiques, cliniques, pathologiques,
immunologiques, virologiques et autres aspects scientifiques de base du
virus et de la maladie que les scientifiques osent ce propos dans un
article publié dans la revue Clinical Microbiology Reviews.
Dans un paragraphe intitulé « Devons-nous êtres prêt pour la ré-émergence du SARS ? », ils énoncent « la présence d'un grand réservoir de virus de type Sars-CoV chez les chauves-souris"en fer à cheval", ainsi que la culture de manger des mammifères exotiques dans le sud de la Chine, [qui] est une bombe à retardement. Il ne faut pas ignorer la possibilité de réapparition du SRAS et d'autres nouveaux virus provenant d'animaux ou de laboratoires et, par conséquent, le besoin de préparation. » Pour ce qui est du Sars-CoV-2, coupons court aux théories du complot : un article paru dans la revue Nature démontre que le virus est d'origine naturelle.
Bien
sûr, il n'est pas question ici de juger ni de porter atteinte à la
culture ou à la population chinoise. Simplement, on peut regretter que
des mesures plus conséquentes n'aient pas été prises pour limiter
considérablement le passage d'un telle famille de virus de l'animal à
l'Homme. En effet, quand on se souvient du contexte potentiel de la
première contamination (un marché aux poissons
avec des règles d'hygiènes laissant à désirer), on en
conclut rapidement que cette pandémie aurait pu être évitée. Prudence
cependant, cette hypothèse semble maintenant remise en question par des
scientifiques chinois : le patient zéro n'aurait eu aucun lien avec le marché de Whuan. Affaire à suivre.
La faute ne peut pas être jetée uniquement sur la Chine. L'une des grandes différences entre l'épidémie
de Sars-CoV qui n'avait pas quitté la Chine en 2003 et la pandémie que
nous connaissons aujourd'hui est que le traffic aérien ne cesse de
s'accroître. Il a doublé entre 2003 et aujourd'hui. Forcément, cela crée les conditions propices à la propagation d'un virus aussi contagieux.
Surtout que dans nos démocraties libérales, les mesures drastiques
mettent souvent du temps à être effectives comme nous avons pu le
constater.
Si, en temps normal, c'est une bonne
chose pour nos libertés individuelles, en temps de pandémie, on
constate la faiblesse de nos systèmes politiques et l'irresponsabilité
de la population. De même, on espère qu'à l'avenir, on écoutera enfin,
sur tous les sujets importants, comme le climat, par exemple, la voix des scientifiques.
Ce qu'il faut retenir
Des
scientifiques avaient déjà pointé comme très probable la ré-émergence
d'un coronavirus, surtout à cause de la consommation d'animaux exotiques
qu'ils qualifiaient de « bombe à retardement ».
À
la suite de l'inventaire effectué sur le Sars-CoV-1, il apparaît que
cette pandémie aurait pu être évitée si les avis des scientifiques
avaient été entendus.
À l'avenir, il faut espérer encore et toujours que les scientifiques seront écoutés...
Dans son discours de ce lundi 16 mars, Emmanuel Macron a annoncé le
renforcement des mesures pour réduire les déplacements et contacts. Dès
mardi midi, et “pour 15 jours au moins, nos déplacements seront très
fortement réduits”.
“Cela signifie que les regroupement ne seront
plus permis. Partout sur le territoire français, seuls doivent demeurer
les trajets nécessaires, c’est-à-dire pour aller faire ses courses, ou
se soigner, ou travailler quand le télétravail n’est pas possible”, a
déclaré Emmanuel Macron. Les modalités seront annoncées dans la foulée
par le gouvernement.
Toute infraction à ces règles sera sanctionnée et “toutes les entreprises doivent faciliter le travail à distance”.
22h00: Ce qu’on aura encore le droit de faire
Avant
une prise de parole de Christophe Castaner pour la mise en oeuvre des
mesures de restrictions, le gouvernement a dressé une première liste des
déplacements qui seront encore autorisés après mardi 15 heure. 100.000
policiers et gendarmes sont mobilisés et quiconque circule sans
autorisation s’expose à une amende qui passera rapidement à 135 euros.
dimanche 8 mars 2020
Le 6 mars 2020, #ManonAubry était l'invitée de #PublicSénat pour revenir sur la réforme des retraites, le Coronavirus, l'accueil des demandeurs d'asile, le double-discours de l'UE sur le climat et le César de la honte de Polanski.