Le projet de loi d'urgence lié au coronavirus autorise une nouvelle
limitation des congés payés ou du repos hebdomadaire. Une remise en
cause des acquis sociaux... qui pourrait prospérer, jusqu'à une période
indéterminée après la fin de la crise.
Le
Sénat a adopté le projet de loi du gouvernement ce jeudi dans la nuit.
Il devrait être voté définitivement par l'Assemblée nationale, ce
vendredi. Et surprise, entre l'avant-projet que Marianne a pu
consulter et le texte finalement déposé au Parlement, les mesures devant
permettre la relance des entreprises, comme la limitation des congés
payés ou des 35 heures, ont perdu leur caractère "provisoire". En
séance, la ministre Muriel Pénicaud a expliqué que "par nature, ces mesures sont limitées à la durée de la crise sanitaire".
Tout en refusant d'inscrire dans le texte une date de fin de validité.
Ci-dessous, l'article tel qu'il a été publié, ce mercredi. Notre nouvel
article sur le sujet, avec les modifications du Sénat, est lui à lire ici.
"Beaucoup de certitudes, de convictions seront balayées",
a annoncé Emmanuel Macron, ce lundi, à propos de la crise du
coronavirus. Le chef de l'Etat n'a pas tardé à tenir parole puisque dès
ce mercredi 18 mars, il apparaît que certains acquis sociaux vont être
remis en cause. Provisoirement. Tel est le sens du projet de loi
d'urgence lié à la crise du coronavirus, soumis au Parlement à partir de
ce jeudi, et que Marianne a pu consulter. Ce texte prévoit
d'habiliter le gouvernement à légiférer par ordonnances dans des
domaines aussi divers et sensibles que le droit aux congés payés, au
repos hebdomadaire, les trente-cinq heures, ou encore la publicité de la
justice. Pour soutenir les entreprises, l'exécutif a choisi de se
donner la possibilité de détricoter un certain nombre de droits acquis
pour les salariés. Sur le confinement, des règles strictes et
particulièrement protectrices des droits individuels ont en revanche été
retenues. Décryptage.
Le ministre des comptes publics l'a annoncé ce mercredi aux Echos
: cette année, la croissance française sera probablement négative. De
nombreuses entreprises sont déjà à l'arrêt en raison de l'épidémie, et
pourrait devoir fermer leurs portes. Pour empêcher cette faillite
généralisée, le projet de loi concrétise le plan musclé annoncé par le
gouvernement ces derniers jours. Report de charges, de versements de
loyers professionnels, renoncement à des pénalités... Tout est fait pour
soutenir les sociétés françaises.
En contrepartie, le texte prévoit que le gouvernement pourra, par ordonnances, "limiter les ruptures de contrats de travail".
Des licenciements pourront être refusés, mais aussi des ruptures de
périodes d'essai. Il s'agit là de la principale mesure en faveur des
droits des salariés. Car pour le reste, l'orientation du texte est bien
de soutenir l'activité... au détriment de certains acquis sociaux.
Congés remis en cause
La future ordonnance, que le gouvernement aura trois mois pour prendre, soit jusqu'en juin, pourra ainsi "modifier
les conditions d’acquisition de congés payés et permettre à tout
employeur d’imposer ou de modifier unilatéralement les dates de prise
d’une partie des congés payés, des jours de réduction du temps de
travail". En clair, les 2,5 jours de congés payés acquis par mois
appartiendront peut-être bientôt au passé... Quant aux RTT, un régime
plus restrictif pourra également être mis en place.
Le droit au repos est aussi touché. Première conséquence, dans
certaines entreprises, les trente-cinq heures pourront être détricotées.
Les règles concernant le repos hebdomadaire aussi. L’article 17 du
projet de loi autorise en effet le gouvernement à "permettre aux
entreprises de secteurs particulièrement nécessaires à la sécurité de
nation ou à la continuité de la vie économique et sociale de déroger de
droit aux règles d’ordre public et aux stipulations conventionnelles
relatives à la durée du travail, au repos hebdomadaire et au repos
dominical". Reste à préciser quelles seront ces entreprises. Des
sociétés comme la SNCF, la RATP, ou du secteur de la santé, voire comme
Renault ou Air France, pourraient être concernées.
48 heures par semaine au maximum
Cette réforme ne signifie pas pour autant que le gouvernement pourra faire n'importe quoi. Les mesures décidées devront être "conformes au droit de l’Union européenne",
précise le texte. Concernant le temps maximum de travail, l'UE l'a par
exemple fixé à 48 heures par semaine. Et concernant les congés payés,
une directive les a fixés à quatre semaines par an minimum.
Les
ordonnances "Coronavirus" devront par ailleurs respecter la Constitution
française. Le Conseil constitutionnel se fait sourcilleux sur le
respect de certains principes, comme la liberté d'entreprendre. Une
interdiction générale des licenciements pourrait être censurée, par
exemple. Enfin, ces textes devront être validés, après leur entrée en
vigueur, par le Parlement. Comme c'est le cas pour toute ordonnance. A
défaut, ils seront annulés.
Ces mesures concernant le champ social sont annoncées par le projet de loi comme devant être "provisoires", et ce "afin de faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de la propagation du virus Covid-19".
Le texte ne prévoit pour autant pas de date limite. Elles resteront
donc en vigueur même après la crise sanitaire, jusqu'à une période
encore indéterminée.
Confinement... pour douze jours
"Aux seules fins de limiter pendant la durée de propagation du virus Covid 19 les contacts physiques",
le gouvernement pourra aussi décider de limiter la publicité des
audiences de justice, voire d'organiser des audiences à distance, grâce
aux dispositifs de visioconférence. Même idée en garde à vue, où
l'avocat du justiciable pourra intervenir à distance. Les titres de
séjour bientôt expirés pourront par ailleurs être prolongés de six mois.
Concernant
le confinement de la population, le texte pose des bornes claires. Et
institue un nouveau principe : l'état d'urgence sanitaire. Pendant cette
période, que le président de la République pourra décréter, les
libertés de se déplacer et de se réunir pourront être limitées par voie
réglementaire pendant douze jours. L'amende pour les contrevenants est
fixée à 135 euros.
Cette période de confinement pourra être
prolongée une seule fois, ce qui devra passer par le vote d'une loi.
Cette loi devra fixer une date définitive de fin de l'état d'urgence
sanitaire. Un choix protecteur des libertés mais étonnant : par
définition, il semble difficile de fixer à l'avance la fin d'une crise
sanitaire. Rien n'empêcherait, toutefois, que le chef de l'Etat, au bout
du processus, fixe un nouvel état d'urgence sanitaire.
Le projet
de loi fixe, enfin, une nouvelle échéance pour le second tour des
élections municipales : au plus tard en juin prochain. Les résultats du
premier tour restent acquis. La date de dépôt des candidatures de second
tour, qui inquiète l'opposition, sera elle laissée à la discrétion...
du gouvernement, qui procédera là aussi par ordonnance. Au risque de
faire hurler le PS et LR.
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