vendredi 24 avril 2020

La crise économique qui vient, l'autre grande faucheuse


Le cas de la Grèce permet d'aller au-delà des simples études et de mesurer concrètement l'énormité des dégâts
Le cas de la Grèce permet d'aller au-delà des simples études et de mesurer concrètement l'énormité des dégâts - © Frédéric Scheiber / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP

Chute des consultations et des dépistages des patients atteints de maladies chroniques comme le cancer, l’hypertension ou le diabète. Le coronavirus fait déjà des victimes collatérales par manque de soins. La crise économique qui vient aura, elle aussi, son lot de morts.

Salles d'attente des médecins de ville vides.
Urgences d'hôpitaux, entièrement reconfigurés en centres géants de réanimation, presque désertées. Où sont passés les patients ? « 50 % de l'activité des urgences sont constituées des traumas. Mais avec le confinement, on comprend bien la baisse de ces pathologies », expliquait récemment l'urgentiste Patrick Pelloux. De fait, l'absence de circulation a tari le flux de traumatismes crâniens post-accidents de la route. Tandis que les personnes âgées se cassent plus rarement le col du fémur, plus confinées chez elles qu'en vadrouille. Idem pour les accidents du travail…
Au regard des statistiques dont il dispose, le gouvernement sait déjà que au sortir du confinement, il devra prendre en charge une population à l'état de santé fortement dégradé et, dans la foulée, son lot d'excès de décès
Mais même avec cet effet direct du confinement, le compte n'y est pas. Et seule la peur de se rendre aux urgences pourrait expliquer la baisse massive du nombre d'AVC et d'infarctus enregistrés par les hôpitaux - jusqu'à 50 % dans celui d'Avicenne, à Bobigny, en Seine-Saint-Denis. Même phénomène dans la médecine de ville d'après les chiffres de Doctolib : entre janvier et avril 2020, l'activité des médecins généralistes a chuté de 44 %, et de 71 % pour celle des spécialistes. Presque 100 % pour les dentistes et les kinés. De quoi inquiéter les pouvoirs publics. « La continuité des soins » est désormais un des passages obligés de l'intervention quotidienne du directeur général de la Santé, Jérôme Salomon. Objectif : inciter les gens à consulter. Au regard des statistiques dont il dispose, le gouvernement sait déjà que au sortir du confinement, il devra prendre en charge une population à l'état de santé fortement dégradé et, dans la foulée, son lot d'excès de décès.
Ce ne devrait pourtant être qu'un zakouski. La crise économique, d'une ampleur jusqu'à présent inconnue en temps de paix, va induire une deuxième vague de morts. Une étude parue en 2016 dans la revue britannique The Lancet permet d'en avoir une idée. Celle-ci vise à estimer la surmortalité par cancer à la suite de la crise financière de 2008. La hausse du chômage et les coupes budgétaires dans le secteur de la santé qui en ont découlé auraient contribué à une surmortalité d'un demi-million de personnes dans le monde entre 2008 et 2010. A elle seule, la France aurait eu à comptabiliser pas moins de 1.500 morts de plus pour des pathologies liées au « crabe ».

Le cas de la Grèce

Mais les cancers ne sont qu'un facteur parmi d'autres. Avec un recul de 30 % de son PIB, à la suite de la crise de 2008, le cas de la Grèce permet d'aller au-delà des simples études et de mesurer concrètement l'énormité des dégâts. En six ans, la mortalité y a progressé de 17,8 %. De sorte que, chaque année, deux personnes supplémentaires pour 1.000 habitants décèdent, soit près de 20.000 morts de plus par an.
Dans ce décompte funeste, les plus jeunes payent un lourd tribut : la mortalité infantile a augmenté de 43 %. La raréfaction de l'argent public est venue aussi à manquer pour financer les politiques d'endiguement des maladies infectieuses à fort risque épidémique. Le nombre de cas de VIH a ainsi doublé entre 2010 et 2012, tandis que la tuberculose et même la malaria faisaient un retour sensible. Chômage de masse, perspectives bouchées, accès réduit à la santé, près de 3 millions de Grecs ont perdu leur couverture maladie en quelques mois. La crise s'est également traduite par une forte progression des suicides. Dans la petite république hellénique, leur nombre a augmenté de 33 %.

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