Le cas de la Grèce permet d'aller au-delà des simples études et de mesurer concrètement l'énormité des dégâts - © Frédéric Scheiber / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP
Chute des consultations et des dépistages des patients atteints de maladies chroniques comme le cancer, l’hypertension ou le diabète. Le coronavirus fait déjà des victimes collatérales par manque de soins. La crise économique qui vient aura, elle aussi, son lot de morts.
Salles d'attente des médecins de ville vides.
Urgences
d'hôpitaux, entièrement reconfigurés en centres géants de réanimation,
presque désertées. Où sont passés les patients ? « 50 % de l'activité
des urgences sont constituées des traumas. Mais avec le confinement, on
comprend bien la baisse de ces pathologies », expliquait récemment
l'urgentiste Patrick Pelloux. De fait, l'absence de circulation a tari
le flux de traumatismes crâniens post-accidents de la route. Tandis que
les personnes âgées se cassent plus rarement le col du fémur, plus
confinées chez elles qu'en vadrouille. Idem pour les accidents du
travail…
Au regard
des statistiques dont il dispose, le gouvernement sait déjà que au
sortir du confinement, il devra prendre en charge une population à
l'état de santé fortement dégradé et, dans la foulée, son lot d'excès de
décès
Mais même avec cet effet direct du confinement, le
compte n'y est pas. Et seule la peur de se rendre aux urgences pourrait
expliquer la baisse massive du nombre d'AVC et d'infarctus enregistrés
par les hôpitaux - jusqu'à 50 % dans celui d'Avicenne, à Bobigny, en
Seine-Saint-Denis. Même phénomène dans la médecine de ville d'après les
chiffres de Doctolib : entre janvier et avril 2020, l'activité des
médecins généralistes a chuté de 44 %, et de 71 % pour celle des
spécialistes. Presque 100 % pour les dentistes et les kinés. De quoi
inquiéter les pouvoirs publics. « La continuité des soins » est
désormais un des passages obligés de l'intervention quotidienne du
directeur général de la Santé, Jérôme Salomon. Objectif : inciter les
gens à consulter. Au regard des statistiques dont il dispose, le
gouvernement sait déjà que au sortir du confinement, il devra prendre en
charge une population à l'état de santé fortement dégradé et, dans la
foulée, son lot d'excès de décès.
Ce ne devrait pourtant être
qu'un zakouski. La crise économique, d'une ampleur jusqu'à présent
inconnue en temps de paix, va induire une deuxième vague de morts. Une
étude parue en 2016 dans la revue britannique The Lancet permet
d'en avoir une idée. Celle-ci vise à estimer la surmortalité par cancer à
la suite de la crise financière de 2008. La hausse du chômage et les
coupes budgétaires dans le secteur de la santé qui en ont découlé
auraient contribué à une surmortalité d'un demi-million de personnes
dans le monde entre 2008 et 2010. A elle seule, la France aurait eu à
comptabiliser pas moins de 1.500 morts de plus pour des pathologies
liées au « crabe ».
Le cas de la Grèce
Mais
les cancers ne sont qu'un facteur parmi d'autres. Avec un recul de 30 %
de son PIB, à la suite de la crise de 2008, le cas de la Grèce permet
d'aller au-delà des simples études et de mesurer concrètement l'énormité
des dégâts. En six ans, la mortalité y a progressé de 17,8 %. De sorte
que, chaque année, deux personnes supplémentaires pour 1.000 habitants
décèdent, soit près de 20.000 morts de plus par an.
Dans ce
décompte funeste, les plus jeunes payent un lourd tribut : la mortalité
infantile a augmenté de 43 %. La raréfaction de l'argent public est
venue aussi à manquer pour financer les politiques d'endiguement des
maladies infectieuses à fort risque épidémique. Le nombre de cas de VIH a
ainsi doublé entre 2010 et 2012, tandis que la tuberculose et même la
malaria faisaient un retour sensible. Chômage de masse, perspectives
bouchées, accès réduit à la santé, près de 3 millions de Grecs ont perdu
leur couverture maladie en quelques mois. La crise s'est également
traduite par une forte progression des suicides. Dans la petite
république hellénique, leur nombre a augmenté de 33 %.
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