Par Lucas Bretonnier, Laurence Dequay et Alexandra Saviana
Après cinq mois de crise, quelque 1.400 débats dans toute la France et
des mesures qui sont loin de faire l'unanimité, les "gilets jaunes" ne
se sentent toujours pas entendus.
Peut-on
sortir de cinq mois de crise comme on referme une parenthèse un peu
pénible, en calmant les mécontents à coups de mesures sectorielles ? Le
mouvement des « gilets jaunes », par la puissance de son surgissement
comme par la peur et le rejet virulent qu'il a suscités chez certains
représentants des « élites », nous raconte l'état profond du pays.
Evidemment, la déliquescence du mouvement, au fil des « actes », et les
ignobles slogans, tel ce « suicidez-vous ! » lancé aux policiers, en ont
incité beaucoup à rentrer chez eux. Mais la rancœur, l'envie d'être
entendus, de se sentir pleinement citoyens, n'ont pas disparu.
Marianne est retourné interroger ces « gilets jaunes » des premières heures, ceux qui s'étaient mobilisés pacifiquement. Ils jugent sévèrement l'évolution du mouvement, mais ne renient rien de leurs revendications. Les annonces d'Emmanuel Macron ? Ils n'y voient que des mesures disparates. Pas toutes mauvaises, bien au contraire. Mais à côté de la plaque. Rien qui réponde à l'enjeu majeur apparu au mois de novembre : le décrochage de certains territoires et de certaines populations des petites classes moyennes. Le RIC à l'échelle locale (moins subversif qu'à l'échelle nationale), le moratoire sur les fermetures d'hôpitaux et d'écoles… Pourquoi pas ? Mais on traite les symptômes sans vision d'ensemble. Surtout, quelle aberration : la réponse était rédigée, enregistrée, Notre-Dame a tout bousculé, et il faudrait attendre d'une prise de parole nouvelle ce qui n'était pas dans la première mouture ? Un lapin sorti du chapeau pour époustoufler le chaland ? Situation ubuesque ! Pourtant, les propositions existent, parfois dans le camp même du président. Encore faut-il identifier les causes de la crise plutôt que s'accrocher à un modèle qui a échoué.
Marianne est retourné interroger ces « gilets jaunes » des premières heures, ceux qui s'étaient mobilisés pacifiquement. Ils jugent sévèrement l'évolution du mouvement, mais ne renient rien de leurs revendications. Les annonces d'Emmanuel Macron ? Ils n'y voient que des mesures disparates. Pas toutes mauvaises, bien au contraire. Mais à côté de la plaque. Rien qui réponde à l'enjeu majeur apparu au mois de novembre : le décrochage de certains territoires et de certaines populations des petites classes moyennes. Le RIC à l'échelle locale (moins subversif qu'à l'échelle nationale), le moratoire sur les fermetures d'hôpitaux et d'écoles… Pourquoi pas ? Mais on traite les symptômes sans vision d'ensemble. Surtout, quelle aberration : la réponse était rédigée, enregistrée, Notre-Dame a tout bousculé, et il faudrait attendre d'une prise de parole nouvelle ce qui n'était pas dans la première mouture ? Un lapin sorti du chapeau pour époustoufler le chaland ? Situation ubuesque ! Pourtant, les propositions existent, parfois dans le camp même du président. Encore faut-il identifier les causes de la crise plutôt que s'accrocher à un modèle qui a échoué.
“NE PLUS RIEN ATTENDRE”
JÉRÉMY MARTIN, 32 ANS. Cadre commercial (Seine-Saint-Denis)
Depuis
qu'Emmanuel Macron a écarté l'idée d'instaurer le référendum
d'initiative citoyenne que nous réclamons, je n'attendais plus
grand-chose de ce pseudo-« grand débat ». Sans ce renversement, cette
évolution vers une VIe République qui ferait primer la démocratie
directe sur la démocratie représentative, nous ne pourrons vaincre les
lobbies qui nous empêchent notamment de défendre le climat, l'écologie.
Je suis commercial dans le transport. Je vois notre pays se
désindustrialiser, des dizaines de PME souffrir et licencier. J'ai aussi
rejoint les « gilets jaunes » pour que cesse l'évasion fiscale,
l'optimisation, qui profitent uniquement aux grands groupes. Le ministre
de l'Economie, Bruno Le Maire, va taxer un peu les Gafam, c'est
positif. Cependant, il n'a encore rien fait contre les abus de la
finance, du CAC 40. Or il faut que chacun paye son impôt en toute équité
! Je suis tout de même partagé sur l'évolution du mouvement des « gilets jaunes
». D'un côté, l'engagement des black blocs, des « ultrajaunes », met la
pression sur le gouvernement. De l'autre, il nous fait perdre des
manifestants qui ont peur, comme nombre de mes amis, de perdre un œil,
un pied, dans les affrontements avec la police. Toutefois, les « gilets
jaunes » ont commencé et réussi, malgré les difficultés, à se
structurer, à désigner des représentants. J'irai donc, à leur appel,
manifester le 1er mai.
“PROTESTER QUEL QU'EN SOIT LE PRIX”
MARTINE NOURRY, 37 ANS. Conseillère principale d'éducation (la Réunion)
Je
ne suis pas très optimiste. J'ai vu l'incendie de Notre-Dame avec des
amis, à la télé. Nous nous sommes dit que nos demandes sociales
passeraient au second plan. Les premières réponses de Macron sont, selon
moi, bien différentes des attentes des « gilets jaunes ». Vous ne
résoudrez pas les problèmes des Français en vous penchant sur le cas
d'une école comme l'ENA, qui, malgré tout, assure un minimum d'égalité
des chances grâce à son concours. Après, il faut reconnaître que notre
situation, à la Réunion, est assez différente de celle de l'Hexagone.
Nos demandes le sont aussi.
Nous avons réalisé qu'il a suffi jours
de mobilisation pour que l'île soit bloquée, qu'elle était très
vulnérable aux importations. Depuis, nous réfléchissons à notre
alimentation, à la manière aussi dont nous élevons notre cheptel. Pour
répondre à ces questions, nous espérons que nous finirons par obtenir un
référendum d'initiative locale pour pouvoir nous prononcer. En
revanche, je trouve inadmissible que l'Etat, dans l'Hexagone ou
ailleurs, violente sa population. Les « gilets jaunes » ne sont pas des
sauvages. Ce sont des personnes désespérées. Je trouve triste que l'on
en vienne à utiliser autant la force face à une manifestation populaire.
Il y a une vraie incompréhension face à ce mouvement. Le fait que les «
gilets jaunes » continuent de descendre dans les rues montre que ce
sont de vrais opposants politiques qui veulent protester, quel qu'en
soit le prix.
“NOUS VOULONS VIVRE DE NOTRE TRAVAIL”
RICHARD PATIENT, 45 ANS. Auxiliaire de vie scolaire et DJ (Seine-Maritime)
J'attends
toujours la ou les mesures qui augmenteraient notre pouvoir d'achat. Le
président a, certes, relevé de 100 € la prime d'activité. Mais cette
aide reste imprévisible : elle varie en fonction du nombre d'heures que
l'on parvient à travailler. Et il suffit de gagner un peu trop pour ne
plus y avoir droit. Je préférerais qu'il revalorise le Smic à 1 500 €
net ! Car notre message principal, celui qui m'a poussé à endosser un
gilet, c'est notre aspiration à vivre de notre travail !
Nous ne sommes pas des « fainéants ». Moi, j'accepte la polyvalence. Avec mon Bafa [brevet d'aptitude aux fonctions d'animateur], pour
travailler 35 heures par semaine, je cumule trois emplois à temps
partiel : auxiliaire de vie scolaire dans une école primaire, assistant
le midi à la cantine et assistant de vie périscolaire le soir. Cet été,
je travaillerai dans les centres aérés de ma ville. Mais je ne sais pas
comment se présentera la rentrée en septembre…
Je suis toujours
membre d'un groupe Facebook de « gilets jaunes », même si certaines
tentatives de récupération politique, notamment à l'extrême droite, me
hérissent. Simplement, je ne défile plus tous les samedis, car je trouve
qu'avec les confrontations violentes ça tourne en rond. La dernière
fois, c'était en janvier, j'avais installé une enceinte sur mon vélo et
diffusé un madison. Des « gilets jaunes » ont commencé à danser en
ligne, c'était très sympa… Malgré tout, ce mouvement a un mérite :
montrer que nous ne pouvons nous satisfaire de nos conditions de vie.
“NOS SITUATIONS NE S'AMÉLIORENT PAS"
DELPHINE NOTELET, 45 ANS. Aide à domicile pour personnes âgées (Calvados)
Pour
moi, les annonces d'Emmanuel Macron n'ont jusqu'ici rien changé. Avec
mon compagnon qui perçoit une retraite de 1 100 € net, et moi, un
salaire équivalent, nous avons rempli le formulaire de simulation de la
CAF. Résultat, nous n'avons pas droit à l'augmentation de la prime
d'activité ! En outre, comme le prix de l'essence remonte, dès le 20 du
mois, je dois demander un acompte sur ma prochaine paye pour payer mon
essence. Je ne vais plus au Leclerc, seulement au Aldi, pour un
demi-chariot, car je ne peux me permettre d'acheter plus. Les retraités
dont je prends soin, et pour lesquels je me suis mobilisée, ne voient
pas davantage leur situation s'améliorer. Aussi, j'ai beau être
chrétienne, l'avalanche de dons promis après l'incendie de Notre-Dame me
choque lorsque je la compare à l'indifférence à l'endroit des pauvres
qui mendient au Havre, des difficultés de certaines de mes collègues qui
fréquentent à l'année Les Restos du cœur… Sur le rond-point, nous avons
fini par nous diviser.
Certains « gilets jaunes » ont accepté
l'invitation de la mairie de Honfleur de migrer dans une cabane près du
terrain de foot. Je suis encore choquée d'avoir été gazée sur les
Champs-Elysées avec des personnes de plus de 70 ans, alors que nous
défilions sans rien casser. J'ai peur qu'avec Emmanuel Macron le pays ne
finisse en guerre civile.
“MACRON FAIT DE LA RÉCUPÉRATION”
GILLES LATOUR, 49 ANS. Eleveur (Meuse)
Emmanuel
Macron essaie de gagner du temps pour les élections européennes. Je
sais que ses propositions ne vont certainement rien changer pour moi. La
suppression de l'ENA ou de l'Ecole nationale de la magistrature,
qu'est-ce que ça peut changer à ma vie ? Je ne suis même pas certain que
ça permette de faire de vraies économies. J'ai l'impression que Macron a
profité d'un désastre culturel, l'incendie de Notre-Dame, pour faire de
la récupération politique. C'est lamentable. D'ailleurs, cet épisode a
montré une chose : quand on veut, on trouve de l'argent. Pour
reconstruire ce qui n'est, finalement, qu'un tas de cailloux… Alors
qu'on ne trouve pas un centime pour sauver les gens qui crèvent de faim
dans notre pays. On marche sur la tête.
J'espère qu'il ne pense
pas que ces mois de débat nous ont fait oublier ce qu'il se passait dans
le pays. Il risque d'y avoir du monde dans la rue ce 1er probablement
davantage qu'Emmanuel Macron ne le pense. J'irai sans doute manifester.
Car, depuis le début du mouvement, rien n'a changé dans ma vie. Après
toutes ces semaines de manifestation, je suis toujours « gilet jaune ».
Même si j'ai dû lever le pied pour m'occuper de mon exploitation, de mes
animaux. Mais, dans mon secteur, nous sommes toujours mobilisés : nous
avons loué une cabane 30 € par mois au département. C'est symbolique,
mais nous voulons montrer que nous sommes toujours là… Malgré les
violences qu'il a pu y avoir dans certaines manifestations ou les
intimidations que nous avons pu subir.
“CES MESURES SONT UN GADGET”
ANNE-SOPHIE HERREWYN, 48 ANS. Infirmière (Bouches-du-Rhône)
Je
suis toujours « gilets jaunes ». Les violences sont condamnables et les
« suicidez-vous ! » scandés la semaine dernière, inacceptables. Mais il
faut se rendre compte de la violence policière : j'ai vomi pendant deux
jours après avoir respiré du gaz lacrymogène en manifestation. Avec les
« gilets jaunes » de la Barque [un péage autoroutier près d'Aix-en-Provence] ,
on a réussi à convaincre la maire d'Aix de nous mettre un local à
disposition. On essaye de créer des événements. Le 5 avril, par exemple,
on a fait une conférence qui a réuni 250 personnes avec le Syndicat de
la magistrature, Attac, la Ligue des droits de l'homme… On fait des AG,
des ateliers « RIC ». Nous avons également mis sur pied une braderie
solidaire destinée à ceux qui en ont besoin.
Sur les mesures
d'Emmanuel Macron, je reste perplexe. L'ENA, ça me semble être un
gadget. L'indexation des retraites de moins de 2 000 € sur l'inflation
est positive mais insuffisante. Il faudrait monter le plafond à 3 000 €.
La baisse d'impôts pour les classes moyennes ? Je suis non imposable,
alors que je gagne 1 800 €. Il y a une bonne centaine de produits de
base auxquels on pourrait appliquer la TVA à 5,5 %. La création d'un RIC
local est un premier pas : on pourra prouver son efficacité et plaider
pour le RIC national. Le gel des fermetures d'hôpitaux et d'écoles est
une bonne chose, mais il faut qu'ils se penchent sur les salaires des
personnels soignants en France. Quant à Notre-Dame… Je suis ravie qu'ils
aient trouvé 1 milliard en deux jours, mais un peu écœurée aussi.
“PLUS CONFIANCE DANS CE GOUVERNEMENT”
CHRISTOPHE TORRENT, 32 ANS. Travaille dans l'événementiel (Tarn-et-Garonne)
Je
me sens un peu exclu des annonces d'Emmanuel Macron qui ont fuité. Avec
mon très petit salaire, je n'ai pas l'impression d'être exactement
concerné. Ce qui est envisagé à propos de l'ENA me fait plaisir, car je
pense qu'il s'agit d'un établissement uniquement fait pour les fils et
les filles de riches. Mais est-ce que le nouveau système sera forcément
égalitaire ? Je ne suis pas sûr d'avoir confiance en ce gouvernement et
je ne suis pas certain qu'il ait voulu nous comprendre.
Grâce aux «
gilets jaunes », nous avons pu dire quels sont nos attentes, nos
craintes, nos espoirs. Nous avons réussi à capter un peu l'attention des
médias alors que, d'habitude, les gens ordinaires n'ont pas la parole.
Avec un peu de chance, peut-être qu'un jour notre voix sera entendue ?
Les « gilets jaunes » m'ont aussi donné l'occasion de rencontrer des
personnes formidables que je n'aurais jamais connues sans cette
mobilisation. Cela peut paraître dérisoire, mais le mouvement a créé des
liens.
Avec le recul, je pense qu'il faut que l'on trouve un
autre moyen de manifester. Au bout de cinq mois, les manifestants de
Montauban finissent par être très seuls. Il faudrait trouver une action
qui nous permette de nous joindre à eux, toutes les semaines et tous les
week-ends. Une action par laquelle on pourrait éviter la violence. Je
la condamne sous toutes ses formes, qu'elle soit du côté des
manifestants ou du côté des forces de l'ordre. Car, à la fin, nous ne
sommes que des citoyens, jetés les uns contre les autres.
“IL FAUT UN RIC À L'ÉCHELLE NATIONALE”
ALISON HUBERT, 28 ANS. Professeur des écoles (Nord)
A
Lille, depuis l'acte XIX, il y a des black blocs. Donc la préfecture
durcit le ton, et il est plus compliqué d'obtenir un parcours pour
manifester. Je suis une pacifique. Je fais partie de ceux qui pensent
que plus il y aura de violences, moins on y arrivera. Moi qui étais
novice, j'en suis à mon 17e acte sur 23 ! J'ai toujours peur. Peur de la
police. Peur d'être gazée. Plusieurs fois dans les manifs, j'ai vu des
gens vomir. Il y a un mois, place de la République, ils ont tapé une
petite dame de 50 ans à la tête, fracture du crâne. J'ai acheté un
casque… On est un groupe de sept ou huit personnes organisatrices à
Lille. On partage des moments, des dîners. On a créé un site Internet.
On publie beaucoup de réponses à l'actu.
Sur les mesures
d'Emmanuel Macron, indexer les retraites, je trouve que c'est une bonne
chose, mais, après tout, ça me semble normal, ce n'est pas transcendant.
Idem pour les hôpitaux et les écoles. Il faudrait même en créer ! Le
RIC local, c'est non : c'est au niveau national qu'il le faut. Il faut
continuer la lutte. Pour le RIC national mais aussi pour la TVA à 5,5 ou
à 0 % pour les produits de première nécessité. Et il faut que ce soit
les citoyens qui décident ce qu'est un « produit de première nécessité
». Car on voit bien la méconnaissance de nos réalités chez nos
responsables politiques. C'est comme les milliardaires qui donnent pour
Notre-Dame…
Et on ne peut s'empêcher de se dire qu'ils vont nous
avoir, d'une manière ou d'une autre, à la fin. Il y a une vraie crise de
confiance.
“NOUS N'AVONS PAS SU NOUS ORGANISER”
FRANCIS PERRENOD, 58 ANS. Routier (Haute-Loire)
Jusque-là,
les annonces de Macron ne me semblent pas répondre aux revendications
des « gilets jaunes ». L'ENA ? Ça n'a jamais été une de nos demandes. La
mobilisation du 17 novembre portait sur une taxe sur les carburants,
pas sur les hauts fonctionnaires… Et, aujourd'hui, le prix du carburant
est bien supérieur à ce qu'il était en novembre dernier, sans même que
la taxe soit appliquée !
Seule chose qui réponde à nos attentes :
la réindexation d'une partie des retraites sur le coût de la vie. Et
aussi le fait qu'il souhaite faire une remise supplémentaire aux gens
qui paient l'impôt… Mais, à l'heure actuelle, ceux qui sont encore
mobilisés sur les ronds-points, ce sont des personnes qui frôlent le
seuil de pauvreté. Ces mesures ne les concernent donc pas vraiment. Cela
étant dit, la mobilisation a rapidement faibli à la suite des heurts
contre les forces de l'ordre à Paris. Cela ne correspondait pas à ce que
souhaitaient les gens : nous voulions nous engager, mais nous ne
souhaitions pas que les choses dégénèrent.
Malheureusement, les
black blocs et les casseurs sont venus se greffer sur notre mouvement.
Ils ont fait des choses que je ne peux pas cautionner. Le but des «
gilets jaunes » n'était pas de piller les riches pour être à leur
niveau. J'ai essayé de me rapprocher de personnes comme Ingrid
Levavasseur, mais elle a joué à l'anguille et c'était difficile à
suivre… Mais j'ignore l'ampleur des menaces qu'elle a reçues. C'est
peut-être le tort originel du mouvement : se montrer critique à l'égard
de toute personne qui sortait du lot pour essayer de nous structurer.
Nous n'avons pas su nous organiser….
“JE SUIS UN PEU DÉSENCHANTÉ”
CONSTANTIN DAVID, 45 ANS. Entrepreneur (Val-de-Marne)
L'ENA,
ce n'était pas vraiment le débat. Il faudrait surtout revoir les taxes,
comme la TVA. C'est quand même l'impôt le plus injuste qui existe en
France ! Je suis certain que c'est une demande que les Français auraient
pu faire monter plus clairement au cours du « grand débat », si nous
avions vraiment eu l'occasion d'être écoutés. Ce n'était pas le cas :
c'était plutôt le « grand bla-bla », un long tunnel de conférences
monopolisé par Emmanuel Macron. Je ne suis pas surpris. Je n'attends
plus rien de la classe politique depuis plusieurs années. J'en suis
dégoûté : je n'ai pas voté depuis 2005.
Après toutes ces semaines
de mobilisation, je suis aussi un peu désenchanté par la manière dont
nous avons manifesté. Occuper les ronds-points le premier samedi était
une bonne manière d'attirer l'attention. Mais continuer ainsi pendant
des semaines, quitte à bloquer les gens qui allaient bosser… Ce n'était
pas la bonne solution. Nous aurions peut-être dû faire comme dans le sud
de la France et bloquer les péages.
Il y a eu un certain
amateurisme. Je l'attribue au fait que les « gilets jaunes » sont des
gens qui ne sont pas forcément habitués aux manifestations. Je pense
toutefois que certaines violences ont volontairement été surestimées :
les médias ont évoqué la dégradation du Fouquet's pendant des heures.
Mais pourquoi ne parle-t-on pas davantage des raisons qui poussent les
gens à bout, à la révolte ? J'ai l'impression que les vrais casseurs
sont passés entre les mailles du filet, alors que les personnes blessées
lors des manifestations étaient avant tout non violentes…
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