ReSPUBLICA
lundi 29 avril 2019
Cette année, le 1er mai – journée internationale des travailleurs – s’inscrit dans un contexte particulier, après le « 24ème acte » du mouvement des gilets jaunes et presqu’une semaine après les « non-annonces » du Président de la République qui
continue d’appliquer son programme ultra-libéral. Ce n’est pas la
première fois que cette journée de mobilisation traditionnelle revêt un
caractère spécial. Il suffit de regarder quelques années en arrière pour
s’en apercevoir, en 2002 – lors de l’entre-deux-tours présidentiel
alors que le Front national était au second tour – ou en 2016 – lors de
la « loi travail » – ou bien encore simplement l’année précédente avec
un niveau de radicalité très présent dans plusieurs grandes villes de
France. Alors pourquoi cette année serait si spéciale ?
Il n’est donc pas question de tout miser ou de tout espérer d’un 1er mai qui permettrait de gagner en une seule journée – nous savons que la construction du rapport de force passe
aussi par la construction des organisations politiques, syndicales,
d’éducation populaire – mais il convient de réfléchir à la portée
symbolique et stratégique de cette journée actuellement. En effet,
celle-ci survient après cinq mois de mobilisation sociale dans le cadre
d’un mouvement atypique et fort que représentent « les gilets jaunes »,
après une mobilisation toute aussi importante sur les thématiques
écologiques et dans un contexte où le gouvernement (qui a certes été
obligé de lâcher sur quelques points) continue de vouloir appliquer sa
politique de classe envoyant un signal fort qui doit appeler une riposte
générale. Mais ce n’est pas tout, car trois points viennent s’ajouter à
cette situation qui peuvent la rendre en somme exceptionnelle :
– Le mouvement syndical combatif qui comprend la nécessité d’avoir un 1er mai très réussi pour différentes raisons. Côté CGT, l’approche du 52ème
congrès compte pour la mobilisation, de plus en interne la contestation
gronde contre le réformisme de la « direction » (qui a débouché sur un
appel de plusieurs fédérations et unions départementales il y a quelques
semaines pour le 27 avril 2019) et il ne faut pas oublier que certains
militants CGT souhaitent que le syndicat revienne sur le devant de la
scène. Côté Solidaires, si le syndicat a pris position assez rapidement
pour le mouvement des gilets jaunes et que la jonction dans le secteur
privé s’est faite plus facilement avec ces derniers, il sait également
l’importance d’exister en tant que tel lors du 1er mai, mais
le versant fonction publique prépare aussi la date du 9 mai comme une
journée de grève nationale. Des secteurs fortement mobilisés comme
l’éducation devront aussi grossir les rangs, notamment avec la FSU.
– La tentation du tout répressif par
le gouvernement (interdictions administratives de manifester, véhicules
blindés, flash-balls, brigades des voltigeurs remises en place…) qui
n’aura pas éteint la contestation mais au contraire rassemblé dans une
fraternité sociale des mouvements et citoyens qui ont tous été frappés
par la violence, « pacifistes » compris. Il s’agit donc d’un moment
important, à savoir celui où il faut démontrer que la liberté de
manifester, d’expression, base d’une société démocratique, ne peut être
remise en cause impunément par le gouvernement. Les appels à un « acte
ultime », à l’alliance des gilets jaunes et rouges, à une contestation
générale, circulent massivement sur les réseaux sociaux et militants et
pourraient être partagés par de nombreuses personnes passant outre les
chapelles et le sectarisme.
– L’auto-organisation acquise dans le cadre du mouvement des gilets jaunes par
des dizaines de milliers de citoyens, qui en plus de s’être fortement
conscientisés, savent que la convergence est nécessaire, qu’il est
indispensable de s’allier avec le mouvement syndical notamment et que le
1er mai représente une journée qui pourrait être la
démonstration de force nécessaire pour faire plier le gouvernement.
Ainsi, sans avoir besoin d’organiser des montées en car à Paris, la
ville devrait bien être l’épicentre d’un mouvement pluriel, aux
modalités de manifestation différentes, mais unies dans un ras-le-bol
explosif.
Si nous rajoutons à cela l‘approche des élections européennes, les
organisations politiques devraient mobiliser de manière importante, du
mouvement anarchiste dès le matin (il faut aussi prendre en compte le
renforcement relatif de ces organisations depuis quelques mois)
jusqu’aux partis politiques avec essentiellement la France insoumise,
mais aussi sûrement un rebond du PCF. Autant dire que chaque appareil et
courant a toutes les raisons du monde de se mobiliser de manière
conséquente cette année, qu’il s’agisse de raisons stratégiques, de
calendrier interne ou politique… mais aussi pour opposer une réponse au
gouvernement avec un mouvement social qui peut faire trembler le pouvoir
s’il reste déterminé.
Cette journée du 1er mai ne résoudra
pas les questions du blocage de l’économie, de la construction d’une
grève public/privé réellement effective, mais a déjà permis de faire
bouger les lignes dans de nombreux collectifs militants, sur la
nécessité de hausser le ton pour se donner les moyens de construire une
République réellement sociale. Il s’agit d’un moment qu’il faut saisir,
en se donnant les moyens possibles de réussir ce 1er mai,
c’est-à-dire commencer par toutes et tous y participer, avec ou sans
gilets jaunes, avec ou sans attaches politiques ou syndicales, mais pour
faire masse et marcher vers nos objectifs.
Alors si vous hésitez encore à sortir
demain, en pensant qu’il s’agit d’une énième manifestation, c’est
peut-être le moment d’y aller et d’entraîner le plus grand nombre
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Vos commentaires sont les biens venus, sachez qu'ils seront validés par notre modérateur, merci