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29 NOV. 2016
Décidemment,
Jean-Luc Mélenchon est incorrigible ! Je vous résume son dernier esclandre, au
cas où vous l’auriez manqué. Interviewé sur France 2, il interpelle
Jean-Christophe Cambadélis avec une familiarité bien déplacée : «
Jean-Christophe, tu sais bien que la primaire est un tamis social…. »
Je vous résume son dernier esclandre, au
cas où vous l’auriez manqué.
Interviewé sur France 2, il interpelle
Jean-Christophe Cambadélis avec une familiarité bien déplacée :
« Jean-Christophe, tu sais bien que la primaire est un tamis
social…. »
A quoi M. Cambadélis met aussitôt le
holà : « Mr. Mélenchon, appelez-moi par mon nom s’il vous plaît. Nous
ne sommes pas amis et vous le savez ». Bien envoyé ! Pourquoi un
membre de la gauche de gouvernement devrait-il souffrir la familiarité d’un
type qui n’a fait que s’opposer au dit gouvernement depuis cinq ans ? Mais
Jean-Luc Mélenchon, décidemment incapable de contrôler ses nerfs, s’emporte,
éructe, invective :
- Va te faire voir. Fous-moi la paix. On
s’est toujours tutoyé, c’est ridicule.
Le journaliste, penaud, s’excuse envers
M. Cambadélis :
- Je suis désolé M. Cambadélis. Aujourd’hui
le dialogue était manifestement impossible avec M. Mélenchon…
Fort heureusement, le journal Le Monde
est aussitôt venu mettre les choses au clair : dans le passé, Jean-Luc
Mélenchon a traité François Hollande de « capitaine de pédalo », il a
affirmé qu’il faisait « pire que Sarkozy », il a rebaptisé le Parti
Socialiste « parti solférinien » et répété qu’il n’était plus de
gauche… Après ça, comment s’étonner ? Il est grand temps qu’on remette à
sa place le trublion.
Mais c’est bien sûr l’inverse qui
s’est produit : c’est Daniel Cohn Bendit qui a tutoyé Jean-Luc Mélenchon,
c’est celui-ci qui l’a rappelé au vouvoiement, et c’est Dany le rouge qui a
envoyé Mélenchon se « faire voir ». Et pourtant c’est tout de même
auprès de Dany que le journaliste s’est excusé ! En exigeant qu'on
l'appelle par son nom, Mélenchon avait manifestement rendu le dialogue
impossible... Quant au journal Le Monde, il s’est empressé d’établir le fait essentiel : oui, en 2009, Dany et
Jean-Luc se tutoyaient. Et les lecteurs du Monde de s’indigner :
Mélenchon, son ego surdimensionné, ses tendances autoritaires, s’il arrivait au
pouvoir on sait comment ça finirait : sur le Sentier Lumineux, rien de
moins – si, si, c’est écrit en toutes lettres !
Bien sûr, Le Monde aurait pu aussi se
demander pourquoi Mélenchon, qui tutoyait Cohn-Bendit en 2009, ne le tutoie
plus aujourd’hui. Ses investigateurs de choc n’auraient eu aucune difficulté à
découvrir que Cohn-Bendit a affirmé que Mélenchon formait avec Le Pen un « duo souverainiste infernal »,
qu’il « labourait sur les terres du Front national »,
qu’il était « débile », « scotché dans les années 30 », qu’il
n’était « pas un démocrate » et que s’il
était élu, il mettrait « tous les Mélenchon, tous les gens qui manifestent
aujourd’hui en prison ». Ils auraient pu constater que
Cohn-Bendit relaie les calomnies éculées sur Mélenchon, par exemple son
prétendu absentéisme au Parlement Européen (il est vrai que Le Monde en fait
autant, sans jamais publier les démentis avec preuve à l’appui fournis par
l’intéressé).
Le Monde aurait pu retracer la carrière
de Cohn-Bendit, passé des barricades à Europe 1 où il s'en prend aux manifestants opposés à la
loi El Kohmri, via une série de reniements longue comme un jour sans pain. Il
aurait pu s’étonner que Cohn-Bendit s’étonne qu’un homme qu’il calomnie depuis
des années ne le considère pas comme son « pote ». Cela leur aurait
permis de soulever un sujet qui, du point de vue de la sociologie politique,
n’est pas sans intérêt : celui de la façon dont les tourne-casaque de la
gauche, les Daniel Cohn-Bendit, Michel Field, les Laurent Joffrin, parviennent
à résoudre la dissonance cognitive qui les travaille : comment peuvent-ils
à la fois être des rebelles romantiques et d’absolus conformistes ? Si
Cohn-Bendit s’emporte et insulte Mélenchon (car il est le seul, dans tout cela,
à avoir proféré une insulte), c’est parce qu’il ne peut supporter d’être
renvoyé à sa place – c’est-à-dire à droite. Ainsi conclut-il :
« Vous vous prenez pour quelqu’un
que vous n’êtes pas, M. Mélenchon ».
Effectivement si Mélenchon est de
gauche, alors Cohn-Bendit ne l’est pas. Pour que Cohn-Bendit soit de gauche, il
faut que Mélenchon n’existe pas...
Hormis la socio-psychologie de
Cohn-Bendit, l’autre leçon de l’incident, mais on le savait déjà, c’est que
dans une algarade médiatique Mélenchon ne peut tout simplement pas gagner. La
construction médiatique de son personnage de méchant a si bien réussi qu’on ne
se rend même plus compte qu’aucun personnage politique ne reçoit autant
d’insultes que celui qui est censé insulter tout le monde. Qui d’autre se fait
traiter de « con », de « dingue »,
de « dictateur », qui d’autre est
sans cesse comparé au Front National, à Staline, à Pol Pot, à la Corée du Nord ? Mais plus aucune de ces
insultes et calomnies ne sont perçues comme telles. En revanche,
« appelez-moi par mon nom s’il vous plaît », c’est dans la bouche de
Mélenchon une invective.
Il est sans doute trop tard pour
combattre cette dynamique de la tête de Turc qui aura, par définition, toujours
tort. Le pli est pris, sur les radios, à la télévision, dans les journaux
(hormis Marianne, très correct sur ce coup-là et
généralement bien plus honnête envers Mélenchon que ses confrères). Mais il est
permis d’espérer que l’exaspération que les radios et les télés elles-mêmes
suscitent finisse par arroser les arroseurs...
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