mercredi 14 février 2018

"L'Insoumis" : pourquoi un cinéma marseillais a fini par "censurer" un film sur Mélenchon



Gilles Perret, réalisateur du film "l'Insoumis", consacré à la campagne présidentielle de Jean-Luc Mélenchon, dénonce une "censure" de son film à Marseille, entérinée ce dimanche 11 février. Le propriétaire du cinéma, clairement anti-Mélenchon, assume son refus de diffuser un "panégyrique" à la gloire du tribun de la France insoumise.
« Je n’ai jamais vécu ça pour aucun de mes films, c’est de la folie » Réalisateur expérimenté, avec une vingtaine de films à son actif, Gilles Perret a du mal à se faire à l’accueil totalement binaire accordé à son dernier long-métrage, l’Insoumis, en salles à partir du 21 février.« Certains me disent qu’ils le passeront, sans même l’avoir visionné. Et pour d’autres, c’est par principe hors de question ». Le sujet n’y est sans doute pas étranger : il s’agit d’une immersion au cœur de la campagne présidentielle de Jean-Luc Mélenchon.
Cette cristallisation extrême des réflexions sur l’objet même du film, peu banale dans le milieu du cinéma « art et essai » où l’on revendique souvent l’ouverture d’esprit comme une valeur cardinale, a trouvé son paroxysme au cinéma « Les Variétés » de Marseille, qui se trouve… dans la circonscription de Jean-Luc Mélenchon. Alors que le film y était programmé , que deux dates spéciales – une projection presse et une avant-première – étaient déjà calées, le propriétaire a subitement décidé, ce dimanche 11 février… de tout annuler. « La censure est évidente », regrette Gilles Perret, qui pointe le fait que le propriétaire du cinéma, Jean Mizrahi, a pris cette décision… sans même avoir vu le film.
"Mechancon est une honte ambulante"
Au détour de plusieurs messages Facebook, Jean Mizrahi a, il est vrai, fait savoir toute l’aversion que lui inspire le personnage du film. « Insoumis mon œil. Ce type n’est qu’un arriviste qui manipule ses groupies dans l’espoir de capter du pouvoir et de l’argent comme ses idoles Chavez et Maduro. Mechancon est une honte ambulante », écrit-il par exemple récemment en réaction à la bande-annonce du film. Le 21 juin 2017, il prenait la défense du député macroniste Cédric Villani, qualifié de « matheux » par Jean-Luc Mélenchon. « Quand l’intelligence répond à la stupide arrogance », assenait-il.
Ce propriétaire de cinéma, par ailleurs PDG de la société Ymagis, spécialisée dans la fourniture de matériel cinématographique, n’est pas tout à fait vierge de tout engagement politique. Entre 1988 et 1990, il a fait partie du cabinet ministériel de Roger Fauroux, ministre rocardien de l’Industrie. Ce qui n’implique toutefois pas, en théorie, une hostilité automatique au leader de la France insoumise.

"Panégyrique"


Contacté, Jean Mizrahi explique avoir dans un premier temps « suspendu » la programmation du film lorsqu'il en a eu connaissance, afin de pouvoir le visionner. Il confirme que « Les Variétés » ne le diffuseront pas « pour deux raisons ». La première a trait à l’orientation du film, bien trop favorable à Jean-Luc Mélenchon selon lui : « Ce reportage n’est en aucun cas un film de cinéma mais plutôt un document télévisuel, qui ne prend aucune distance vis à vis de son sujet mais constitue plutôt un panégyrique. Il s’agit d’un exercice purement idéologique sans aucune volonté artistique, ou du moins sans résultat artistique. »
Si Gilles Perret ne cache pas sa proximité avec les idées de Jean-Luc Mélenchon, qui transparaissent dans sa filmographie, la décision de Jean Mizrahi, prise ce dimanche, est lourde de conséquences. Elle aboutit à ce que les Marseillais, qui ont placé Jean-Luc Mélenchon en tête à la présidentielle, ne puissent voir le film, programmé seulement dans cette salle.
"Il s'agit d'un exercice purement idéologique"
Ce n’est pas le souci de Jean Mizrahi, qui ne souhaite justement pas mettre en avant dans son cinéma une personnalité impliquée dans la vie politique locale : « Le rôle des 'Variétés' n’est pas de promouvoir, ou à l’inverse de dénigrer, tel ou tel personnage public jouant un rôle local, et je ne souhaite pas que le cinéma puisse être considéré comme prenant parti dans le débat politique. » Réserve prudente, étant donné que la mairie LR de Marseille se trouve être… le bailleur du cinéma « Les Variétés ».
En catastrophe, le cinéma Pathé du quartier de la Madeleine a récupéré la programmation. Histoire que les cinéphiles marseillais ne soient pas privés du seul document sur l’intérieur de la campagne mélenchoniste... « J’espère qu’on n’aura pas d’autres annulations », soufflait Gilles Perret ce lundi. Le réalisateur saura désormais que l'accueil d'un film politique déborde souvent du cadre cinématographique.

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