Par Louis Hausalter
Depuis que les gilets jaunes font trembler l'exécutif, Emmanuel Macron
et ses proches semblent avoir toujours un temps de retard. Coulisses
d'une majorité entre désarroi, incompréhension et regrets.
Ils veulent parler. Mettre des mots sur la crise, donner leur
interprétation, préconiser ce qu’il faudrait faire. Ce mardi matin, les
députés de La République en marche (LREM) tiennent leur réunion de
groupe dans la salle Victor Hugo de l’Assemblée nationale. Leurs alliés
du MoDem sont là, Edouard Philippe aussi, flanqué de plusieurs
ministres. Nombre d’élus veulent interpeller le Premier ministre. Les
prises de parole sont désordonnées. Certains, comme Didier Paris
(Côte-d’Or), insistent sur la nécessaire « fermeté » pour maintenir l’ordre. D’autres, comme Emilie Cariou (Meuse), réclament plus d’« équité sociale ». D’autres encore témoignent des difficultés à dialoguer avec les gilets jaunes dans leur circonscription. « C’est parti dans tous les sens », résume une députée participante.
Une majorité LREM "hors sol"
Trois
semaines après le début de cette insaisissable fronde sociale, les
macronistes pédalent dans la semoule. Cette crise, ils ne l’avaient pas
vue venir. Ils sont aujourd’hui impuissants à la contenir. Certes, dans
son discours, Edouard Philippe a annoncé des concessions ce mardi 4 décembre
: la hausse de la taxe carbone sur les carburants prévue en janvier est
suspendue pour six mois - soit jusqu’au lendemain des élections
européennes - tandis que l’électricité et le gaz n’augmenteront pas cet
hiver et que le durcissement du contrôle technique est reporté.
De
quoi souffler un peu ? Un petit tour sur les multiples groupes Facebook
animés par des gilets jaunes suffit à se convaincre du contraire, alors
que les visages du mouvement dans les médias ont affiché leur
scepticisme. « Les gilets jaunes de chez moi ne veulent pas arrêter le mouvement, s’angoisse un député LREM sudiste. Ils ont peur de se faire avoir. » « Évidemment, cela ne calmera pas la frange la plus dure, mais on s’adresse aux autres, glisse l’un de ses collègues. On n’avait pas le choix, il fallait des gestes pour apaiser. Après, on aurait aussi pu faire autrement depuis le début... »
"On aurait pu faire autrement depuis le début"
De
fait, depuis que la crise a éclaté, l’exécutif donne l’impression
d’avoir systématiquement un temps de retard. La semaine dernière,
Emmanuel Macron annonçait « une grande concertation » au moment où la colère atteignait déjà un point culminant. «
Il était content de lui, alors qu’il était en décalage. Il fait un
discours d’énarque alors que les gens se demandent comment remplir leur
frigo », se lamente un député de la majorité. Aujourd’hui, Edouard
Philippe cède sur la taxe carbone alors que les revendications des
gilets jaunes ont largement dépassé la seule question du prix à la
pompe. « Il aurait fallu lâcher du lest au début. Plus tu attends, plus ça se radicalise », grimace un conseiller ministériel.
Macron reste mutique
« On a fait une mauvaise analyse au départ, admet le député LREM Bruno Bonnell. Ce
qu'il s’est passé le 17 novembre était intéressant car c’était un
mouvement spontané. Mais depuis, d’autres sont venus s’agréger avec une
démarche clairement politique. » Et la crise s’est transformée en
choc frontal, sans dialogue possible. A la colère des ronds-points
s’opposent les mots souvent creux de la majorité. Depuis les bancs de
son groupe, le député UDI du Nord Francis Vercamer reste quelque peu
perplexe devant ses collègues macronistes : « Ils sont un peu hors
sol. Je les entends parler sur les plateaux de leurs plans pour les
transports en commun ou le numérique, mais ce sont des discours
inaudibles pour les habitants de province. »
Emmanuel Macron saurait-il trouver les mots ? Ni son interview télévisée sur le Charles-de-Gaulle
le 14 novembre, ni son discours sur la politique énergétique la semaine
dernière n’ont apaisé la crise, bien au contraire. Cette semaine, le
chef de l’Etat a annulé une visite prévue en Serbie et arpente les lieux
où les casseurs ont sévi - l’Arc de triomphe dimanche, la préfecture du
Puy-en-Velay ce mardi. Mais il n’a pas l’intention de s’exprimer dans
l’immédiat. « Macron, c’est la dernière cartouche, juge un conseiller du gouvernement. La parole présidentielle doit être utilisée si les annonces sont mal comprises ou si ça se passe mal samedi. » Un scénario qui paraît plus que plausible.
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