jeudi 24 janvier 2019

Le mythe du carcan bruxellois


Plus rien de significatif ne se décide à Paris. Tout ce que font nos « dirigeants », c’est amuser la galerie et maintenir les apparences tandis qu’ils se soumettent aux diktats des fonctionnaires de l’ombre de Bruxelles ou aux politiques Allemands. Voici en résumé la chanson qu’on nous fredonne à satiété et qui explique la déchéance française supposée.
Donc, nous faisons tous la même chose, parce que nous n’avons pas le choix. Sauf que toute cette belle histoire se heurte à deux écueils. Le premier, c’est que dès qu’on sort un peu le nez des frontières européennes, on est pas frappés par des politiques si différentes que ça ailleurs. De fait, nous nous débattons tous avec les mêmes problématiques de productivité, de confiance dans la dette que nous émettons pour payer nos services publics, de solidité de nos banques, de vieillissement des populations. Et les solutions peuvent diverger, mais au final dans un champ des possibles qui n’inclut pas de trajectoire façon Venezuela.
Surtout, les politiques menées dans cet espace réduit qui donne l’illusion que nous faisons tous plus ou moins la même chose ont des résultats très différents sur le long terme. La question des inégalités est aujourd’hui centrale. Voyons donc comment progresse la part des 50% les plus pauvres de la population dans les revenus dans différents pays :

Nous avons ici retenu la période 1997-2014, qui est l’ère de l’Euro. Les données sont issues de l’observatoire mondial des inégalités (WID). Que voyons-nous ? Pour la France, une progression relative des 50% les plus pauvres jusqu’à… 22,5% des revenus. Cette progression est régulière sur la période, avec une forte secousse au plus fort de la crise en 2008. Pour l’Allemagne, au contraire, un effondrement incroyable des revenus de 23% de la part totale en 2000 à 17% en 2014, qui équivaut à un changement de société. Ceci mieux que toute autre chose montre le visage noir de la réussite industrielle Allemande des dernières années, qui s’est construite sur l’expropriation de la moitié la plus fragile de la population. Au vu de cette différence massive, qui peut dire que la France et l’Allemagne mènent la même politique unique ? C’est absurde !
A titre de comparaison, incluons la Grande-Bretagne, jalousement écartée de l’Euro, qui part d’un niveau incroyablement bas (12,5% des revenus !!!) et qui remonte la pente, avec paradoxalement un effet observé favorable au plus fort de la crise de 2008 que les conservateurs parvenus au pouvoir se sont empressés de tenter d’effacer. Les Etats-Unis racontent un écrasement constant sur le long terme (les courbes françaises et américaines sont en miroir depuis les années 70).
Le débat sur l’Europe doit sortir des mythes de pensée commodes selon lesquels il existe une politique européenne univoque, que l’on doit défendre ou combattre. Nous avons mis en commun notre monnaie et notre régulation bancaire, ce qui implique de tenter des politiques relativement compatibles. Mais la diversité des possibles n’a pas disparu. Le cadre existe, mais il est suffisamment large pour permettre des politiques très différentes et il est temps d’assumer collectivement nos choix sans faire de la question européenne un préalable du débat.

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