jeudi 23 février 2017

Pagaille sondagière

Une analyse très intéressante de François Cocq sur ces fameux sondages qui disent tout et n'importe quoi, pour remettre les choses à leur place .... 


sondages



BVA sort ce jour un curieux sondage. Celui-ci affiche ostensiblement un grand écart entre les intentions de vote attribuées à Jean-Luc Mélenchon et à Benoît Hamon, le premier étant annoncé particulièrement bas (10,5%) et le second démesurément haut (17%). Ce sondage dépareille fortement avec les autres études publiées depuis plusieurs jours qui sont forcées d’accepter un resserrement voire un chevauchement des courbes. Lorsqu’on sait que l’annonce de BVA se fait le jour même où Jean-Luc Mélenchon est l’invité de l’émission politique de France 2, on est en droit de s’interroger sur l’ambiance générale que ce sondage aurait pu faire peser s’il n’avait été aussitôt démenti par d’autres enquêtes.
L’ensemble des autres enquêtes publiées ces dernières semaines viennent en effet contredire celle de BVA. Il y a 48 heures, un sondage Elabe disait en effet l’inverse, le candidat de la France Insoumise et celui du PS étant tous deux crédités de 13 % des intentions de vote. Au moment même où sortait le sondage BVA, Harris interactive en publiait un autre effectué sur un panel de 6000 personnes (et non 900 comme BVA) qui donnait le premier à 13% et le second à 14%. Bref rien qui ressemble de près ou de loin à ce qu’affirme BVA.
D’autant que s’il y a une chose à sauver dans les sondages, c’est éventuellement les tendances qu’elles font ressortir sur plusieurs semaines. Or, tous les instituts qui ont vu une cristallisation sondagière sur Benoît Hamon au lendemain de la primaire du fait du blitzkrieg médiatique qui l’a accompagnée en reviennent aujourd’hui et sont forcés d’inverser la dynamique des vases communicants qu’ils avaient à l’époque cru déceler entre Hamon et Mélenchon.
Il faut dire que BVA a la fâcheuse tendance à grossir les erreurs qui sont l’apanage du mimétisme moutonnier de tous les instituts. Ce sont eux qui survalorisaient à la rentrée de septembre le FN, en étant les seuls à l’avoir fait dépasser les 30%, et largement à 30, 32 et même 33 % : BVA jouait alors le rôle des perforateurs de plafonds de verre. Ce sont encore eux qui plaçaient Juppé au plus haut à l’automne : 38% en septembre et même 39 % en octobre. Ce sont toujours eux qui récidivaient avec plus qu’une longueur d’avance sur leurs collègues pour survaloriser Fillon début décembre après la primaire en lui attribuant 29 %.
Dès lors, BVA semble incapable de prendre en compte les dynamiques et plus encore les ruptures de dynamique comme on le constate à nouveau avec Hamon. Alors que celui-ci dévisse partout ailleurs dans les enquêtes et que sa campagne s’enlise sur le terrain, BVA continue à le mettre à la hausse. L’institut n’apparait finalement pas tant en faiseur d’opinion (du moins pas plus que les autres) qu’en commentateur de la séquence passée.
Au final, l’épisode sondagier est sans dommage car plus personne ne s’arrête à ces prophéties dont on mesure dans la période, alors que plus d’un électeur sur deux n’a pas choisi pour qui il ira voter ni même s’il ira simplement voter, à quel point elles ne parviennent plus même à s’arriver auto-réalisatrice. 
Il est par contre révélateur une fois encore de la mystification de processus qui prétendent s’inscrire dans une même démarche pseudo-scientifique mais dont chaque nouvelle livrée s’avère être un contre-exemple qui met à terre l’ensemble de l’édifice. Moins que jamais les sondages sont capables de mesurer les dynamiques populaires. Plus que jamais le jour du scrutin apparaît enfin cette fois comme l’occasion de substituer la révolution citoyenne à la tyrannie sondagière.

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