Cher
François Léotard,
Nous
ne sommes pas du même côté de l'échiquier politique. Mais la
cause – celle de l'avenir de la base nature - est trop sérieuse
pour ne pas surmonter ces barrières. D'autant que vous cultiviez,
me semble-t-il, un certain goût pour la nature, au sein de laquelle
vous avez pendant longtemps usé vos baskets lors de vos joggings,
notamment sur cette fameuse base, lorsque vous étiez maire de
Fréjus.
Donc,
M. Léotard, vous ne pouvez pas ne pas réagir. Vous ne pouvez pas
laisser ce magnifique espace naturel de 135 hectares qui porte votre
nom depuis 2007, se laisser grignoter par le béton. Car le maire
actuel peut jurer sur tous les tons qu'il ne touchera pas à un mètre
carré de verdure, tout le monde sait bien que dès qu'apparaîtront
sur le site de « votre » base, l'hôtel, l'aquarium et la
discothèque prévus par David Rachline (à la place de hangars
certes bien moches), les lieux commenceront à changer de
destination. Irrémédiablement. Ces premières constructions
privées, pensées dans le flou, sans concertation, sans plan
d'ensemble, en appelleront d'autres. Et puis, des parkings privés.
Et puis une plage privée pour l'hôtel. Et puis ….
Et
puis, le public familial et décontracté, qui passe ses journées
entre terrains de foot, pistes de skate, rollers ou sieste sous les
arbres, ce public-là disparaîtra au fil des mois. Repoussé par la
clientèle de luxe (un hôtel 5 étoiles !), par la privatisation.
Rien ne sera plus comme avant, comme maintenant.
M.
le ministre, vous étiez fier d'acquérir pour votre commune, en
1995, cet espace naturel incomparable. Il s'est passé, en ces lieux,
des centaines d'événements remarquables, du gigantesque Roc d'azur
aux splendides concentrations de cerfs-volants du festival de l'air
et du vent, en passant par d'innombrables rassemblements associatifs.
Certes, Marine Le Pen y a aussi lancé sa dernière campagne pour
l'élection présidentielle, ce qui ne restera sans doute pas le
meilleur souvenir que gardera le fameux hangar Caquot. Certes, on a
cru bon, un été, de couper des arbres pour y organiser un concert
de Johnny Hallyday, ce qui n'était sans doute pas l'idée du siècle.
Mais passons.
Ne
retenons que les 600 000 visiteurs par an, au bas mot, qui
fréquentent ce lieu unique dans la région, à deux doigts d'être
défiguré. Ce qui semblait pourtant impensable. En effet, quand la
commune que vous dirigiez a acheté cette base au ministère de la
défense, l'acte de cession a précisé que seuls des équipements
pour des services publics pouvaient se trouver sur la partie
construite de la base. C'était une belle exigence, que la
municipalité actuelle va tordre sans vergogne. A moins qu'un hôtel
haut de gamme soit considéré comme un équipement public
….Allez-vous laisser faire cela, M. Léotard ? Il y aurait eu tant
de projets intelligents à développer en ces lieux, avec un peu de
concertation et d'intelligence.
Nous,
citoyens, tentons de protester en nous adressant aux tribunaux, en
alertant le public à travers une pétition (qui frise les 65 000
signatures, ce qui n'est pas négligeable). Et dimanche 1er juillet,
nous organisons un pique-nique festif sur place pour échanger avec
les habitants d'ici et d'ailleurs, sur les menaces qui pèsent sur
l'avenir de cet espace. Pas d'agressivité dans notre démarche,
juste un désir d'informer et la volonté de freiner des projets qui
nous semblent démesurément mal adaptés au site.
M. Léotard, nous vous invitons à
venir partager avec nous, en toute simplicité, ce moment convivial,
à partir de midi. Venez nous parler de cette base que vous avez
faite entrer dans le patrimoine fréjusien. Celle sans doute que vous
connaissez mieux que quiconque, et que vous avez certainement à cœur
de protéger. Et nous aussi. Voilà qui nous fait au moins un point
commun. De taille.
A bientôt donc.
Catherine Aubry,
co-animatrice de la France insoumise
PS : Je vous prie d'excuser la liberté que je prends de vous interpeller ainsi publiquement, mais je n'ai pas vos coordonnées personnelles.