Vague à l'âme
Par Laurence Dequay, à Rennes
Lors de ce congrès, les militants sont apparus déstabilisés par Macron
pour qui ils avaient votés en nombre, déçus par les réformes en cours.
Les cheminots eux, ont été applaudis en nouveaux héros. Un tournant pour
la CFDT qui peine encore à endosser sa responsabilité de premier
syndicat dans le privé ?
Ils sont déçus, amers et inquiets pour l'avenir. Et le font savoir à
leurs dirigeants. Réunis en congrès à Rennes depuis le 4 juin, les 2300
délégués et militants de CFDT qui portent habituellement avec fierté
leur réformisme en bandoulière, tirent un bilan chagrin des réformes en
rafale du code du travail auxquelles ils sont exposés depuis quatre ans.
Atterrés par cette régression sociale, ils demandent en nombre à leur
secrétaire général Laurent Berger de durcir le ton, d"oser le changement"
de méthode face à Emmanuel Macron. Tout en saluant le travail de leur
confédération puisque la CFDT est devenue dans le secteur privé, le
premier syndicat du pays. Une fierté... et une responsabilité.
"Numéro un, pour quoi faire?"
"Numéro un mais pour quoi faire ?", interroge en effet Grégoire (Intérieur et collectivités locales). Gagner sur les autres ne suffit pas ! " "Comment
convaincre de nouveaux militants de nous rejoindre, quand nous ne
sommes même pas capables de préserver les acquis sociaux que nous avions
?", renchérit une camarade. Patrick du secteur transport prévient: "Si
en octobre, le gouvernement ne tient pas son engagement sur le socle
conventionnel promis aux chauffeurs routiers, nous entrerons à notre
tour dans un mouvement intersyndical dur."
Sur le terrain, les
délégués CFDT vivent d'abord comme une injustice les conséquences des
ordonnances travail. Lorsqu'ils négocient ces nouveaux conseils sociaux
d’entreprise (CSE), des employeurs se saisissent trop souvent de cette
fusion imposée des délégués du personnel, des comités d'entreprise et
des CHSCT pour réduire leur nombre de mandats et leurs heures de
délégation. Et veulent appliquer au plus juste le droit du travail. "Des
camarades vont devoir reprendre leur poste de travail sans protection
dans la durée. Ils ne profiteront même pas des nouvelles possibilités de
formation, 12 jours payés par an pour valoriser la carrière des élus,
que nous avons obtenus dans la loi", se désole une employé des
services santé. A cette frustration, se surajoutent, le cas échant, un
sentiment d'isolement, des difficultés à expliquer les positions de leur
confédération aux salariés et un manque de moyens (même si la CFDT
ouvre plus largement l'accès à son trésor de guerre, sa caisse nationale
d'action sociale de 126 millions d'euros de réserves de résistance).
"Macron incarne un pouvoir vertical qui frappe vite, le risque c'est de
faire monter les extrêmes. Plus que jamais nous devons proposer des
progrès sociaux...", insiste Francis, syndicaliste à la Poste.
D'aucuns
regrettent donc que le projet de résolution, qui sera débattu jusqu'à
vendredi 8 juin, ignore la revendication d'un passage aux 32 heures
pourtant votée en 1992 et 1995 et jugée efficace pour partager le
travail, tout comme comme l'octroi du chèque syndical qui faciliterait
les recrutements de nouveaux adhérents, dans une époque plus
individualiste.
Ne rien lâcher sur la SNCF
Dans cette ambiance soucieuse, sous des applaudissements nourris,
c'est le secrétaire général des cheminots CFDT, Didier Aubert, avec sa
voix de stentor, sa bonhommie hâbleuse, qui a rassuré en résumant leurs
états d'âme en tribune : "Face à un gouvernement qui ne veut pas négocier, il faut savoir élever le rapport de force. La
grève continuera aussi longtemps que nous n'aurons pas signé un
protocole de sortie avec les employeurs du ferroviaire, et la direction
de la SNCF", assume-t-il. D'autant plus déterminé que 95% des 91 000 cheminots sur 145 000 qui ont récemment participé au Vot'action
ont glissé un bulletin contre la réforme. Et 90% des roulants,
employés, cadres de la SNCF, ont effectué depuis le 2 avril, début de la
mobilisation, au moins un jour de grève. Serein, Aubert annonce une
nouvelle journée sans cheminots pour le 12 juin, veille d'une table
ronde l'Etat, les employeurs du ferroviaire et les syndicats dont ils
attendent beaucoup. "Si nous n'obtenons pas satisfaction, nous nous organiserons pour le début de l'été", ajoute-t-il... sans oublier de remercier Laurent Berger pour son aide confédérale.
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