mercredi 12 avril 2017

Festival anti-Mélenchon : n'en jetez plus,la cour est pleine ...

Une excellente analyse de François Cocq sur la déferlante médiatique anti-Mélenchon

Devant Mélenchon et la force du peuple, le système en auto-défense

 
Le meeting de Marseille et le dépassement dans les sondages de François Fillon auront été les coups de trop : brusquement le système s’est cabré et s’est mis à tenter d’enrayer par tous les moyens la montée inexorable vers le second tour de Jean-Luc Mélenchon. Toute la bonne presse est appelée à cotiser derrière ses leaders. Les uns caricaturent et salissent le candidat de la France insoumise ; les autres déforment ses propos ou s’inventent des dangers imaginaires. Revue de presse et d’estrades.
Il n’aura pas fallu attendre longtemps : l’antenne était tout juste rendue après le meeting qui s’est tenu ce dimanche sur la Canebière et qui a rassemblé 70.000 personnes que les journalistes en plateau sur BFM, mâchoires fermées, se mettaient à faire feu de tout bois contre le programme de Jean-Luc Mélenchon et de la France Insoumise. Il faut dire que le discours qui venait d’être tenu est de ceux qui marquent : une ode à la paix comme une fenêtre pour un avenir en commun. En se fédérant autour d’une idée universelle, la force du peuple se déployait sous leurs yeux.
Depuis, c’est festival. Les sondages du début de semaine ayant acté le dépassement de M. Fillon par Jean-Luc Mélenchon et le resserrement avec M. Macron et Mme Le Pen qui rend toute prédiction aléatoire, le système a vu la menace et craint de perdre la maîtrise de la décision. Alors il jette toutes ses forces dans la bataille. Voyez Le Figaro de ce mercredi 12 avril avec en Une ce titre délicat : « Mélenchon, le délirant projet du Chavez français ». Avant de livrer un édito tout en retenue : « Maximilien Chavez Mélenchon », et de poursuivre avec trois articles pondérés comme l’indiquent leur titre : « Jean-Luc Mélenchon, un projet dévastateur pour la France », « Le coup de massue fiscal sans précédent de Jean-Luc Mélenchon » et « Le programme de Mélenchon, un big-bang social d’un autre temps ».  Chavez, Robespierre, Lénine, Godzilla, homme des cavernes, le Créateur, Jean-Luc Mélenchon serait donc tout cela à la fois. Une performance à dire vrai.
Le magnat de la presse et de l’armement M. Dassault, accessoirement repris de justice, ne fait pas dans la demi-mesure pour voler à la rescousse de son protégé M. Fillon. Celui-ci reprend d’ailleurs les non-arguments en cœur. Mardi 11 avril, en meeting à Marseille, celui-là, en guise d’éléments de conviction et de raison, nous livrait : « On oublie trop que Jean-Luc Mélenchon est un extrémiste. C’est un candidat d’extrême-gauche avec des raisonnements primaires, anti-impérialiste, anticapitaliste et antiaméricain ». Bon, convaincu ?
Parce que sinon M. Fillon peut en remettre une couche : « L’idée qu’une majorité de Français choisisse d’aller vers un communiste (…) je n’y crois pas un seul instant ». Ah le retour du communiste avec le couteau entre les dents, qui mange les enfants après avoir fait défiler sur les Champs-Elysées les chars de l’Armée rouge… Il fallait bien qu’après les allusions à Lénine et les hennissements « Poutine, Poutine, Poutine » on y vienne. M. Fillon ne fait d’ailleurs que copier M. Macron qui a la primeur de la médiocrité insulteuse en la matière, lui qui dès mardi 10 avril au matin sur Public-Sénat lançait à propos de Jean-Luc Mélenchon : « J’entends ses accents communistes ». Décidément, les jumeaux de la droite n’ont pas seulement le même programme, ils ont aussi la même défense. « Voyons-nous » disait le mot manuscrit que M. Macron avait fait passer à l’Assemblée à M. Fillon il y a quelques mois. La rencontre a dû avoir lieu…
Oui, décidément les puissances de l’argent se cabrent. Jugez plutôt dans le journal Les Echos : ceux-là inventent un danger sur les marchés financiers parce que Jean-Luc Mélenchon aurait gagné 2 %, sans même vérifier que les taux sur les emprunts à 10 ans qu’ils évoquent sont plus bas aujourd’hui qu’il y a encore quelques semaines quand le même Mélenchon ne leur faisait pas si peur. Mais c’est vrai, la peur est irrationnelle. C’est donc sans doute pour cela qu’ils titrent « Le patronat défend l’euro face à Le Pen et Mélenchon » et « Le Pen-Mélenchon : le scénario noir qui fait frémir les marchés financiers ». D’un côté la finance, de l’autre le parallèle Le Pen-Mélenchon réactivé. Diable, que de nouveautés dans cette tenaille placée dans la main de M. Gattaz ! Même le romantisme et l’ouverture à la culture que propose Jean-Luc Mélenchon ne trouvent pas grâce aux yeux de ceux-là, au point de proposer une tribune intitulée « La dangereuse poésie de Mélenchon ». Il est vrai qu’argent et poésie n’ont pas souvent fait bon ménage.
Il est jusqu’aux candidats aigris en perte de contrôle qui se laissent gagner par l’air des dominants. Ainsi, mardi 11 avril, à Villeurbanne, à la suite des incartades de son nouveau lieutenant PSisé Yannick Jadot, Benoît Hamon lançait : « On ne peut pas faire une campagne que dans des meetings, que par le rapport abstrait au peuple, césariste en quelque sorte, du tribun avec la foule qui aspire que par son seul charisme il entraîne le mouvement populaire vers les urnes ».  Avant de conclure : « Je n’ai pas d’adversaire à gauche ». Ben non, on a vu…Finalement, comme sur la Syrie, Benoît Hamon colle à la position de François Hollande, qui s’est cru tenu lui aussi de s’exprimer en ce début de semaine contre Jean-Luc Mélenchon : «Il y a des simplifications, des falsifications, qui conduisent à regarder le tribun et pas le programme ». Il serait trop facile de dire qu’avec lui on ne voyait ni l’un ni l’autre. Mais ce que révèle malgré tout cette incise dans la campagne présidentielle du monarque déchu, c’est que ses propos d’éviter un second tour Fillon-Le Pen d’il y a quelques mois n’étaient une fois encore que du cinéma puisqu’à l’heure où Jean-Luc Mélenchon vient bousculer ce jeu-là, c’est lui qu’il attaque ! A moins que ce ne soit de crainte de voir son héritier Macron sur lequel il compte pour assurer la continuité du Royaume être désarçonné par la vague populaire montante, d’où son appel au « renouvellement ».
Mais comme toujours, la palme revient au journal Le Monde. On pourrait citer Mme Besse-Desmoulières qui fait de l’archéologie pour attiser les tensions en ressortant de vieilles affaires de 2012 et produire au final un article sans contenu ; on pourrait aller voir du côté de Marie Charrel, journaliste au service économie du journal qui, le 11 avril, tenait un Chat spécial sur les questions économiques du programme L’Avenir en commun. Elle effectuait alors des raccourcis sournois, comme lorsqu’interrogée sur « l’appel de Mélenchon à une sortie de l’Europe et de l’euro » elle répondait : « Son plan Best bien celui d’une sortie des traités et une sortie de l’UE. Or une sortie de l’UE implique une sortie de l’euro », gommant ainsi toute la mécanique sans doute trop subtile pour elle du Plan A / plan B. Mais le plus drôle reste cette tribune offerte le lundi 10 avril à Serge Sur, professeur émérite de droit public à l’université Panthéon-Assas, et intitulée : « La VIe République voulue par M. Mélenchon ‘suppose ni plus ni moins un coup d’Etat’ ». Avant de développer en faisant référence pour appuyer son propos au programme…L’Humain d’abord et au Front de Gauche. Celui-là n’aura jamais qu’un quinquennat de retard et le service de la doxa de la pensée qui régit les pages « libres » du journal aura sans nul doute relu cette prose avec soin…
Ne jetons pas tout. Si les porte-plumes du système et leurs candidats d’apparat en oublient qui ils sont sensés combattre et préfèrent essayer d’organiser la défaite de Jean-Luc Mélenchon plutôt que la confrontation avec Mme Le Pen, il reste des journalistes qui font leur travail. Ainsi, La Tribune, journal d’obédience bien peu marxiste, vient de publier un article détaillé sur le programme économique de Jean-Luc Mélenchon, restant dans le factuel et le précis et reconnaissant sa cohérence sans se prononcer sur le fond ni dans un sens ni dans l’autre.
Tout cela prend décidément chaque jour un peu plus des airs de 2005, quand le peuple avait voté NON au Traité constitutionnel européen contre toute la Caste médiatico-politique rassemblée. A l’époque, en quelques semaines, la peur avait changé de camp et l’allégresse aussi. Incapable de juguler la force du peuple qui lui est étrangère, la Caste mouline à vide pour s’auto-convaincre que l’inéluctable ne peut pas arriver. Et pourtant si. Ce printemps, les bourgeons du 23 avril feront les fleurs du 7 mai.

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