Face au Front National: réponse aux pompiers pyromanes
qui ont voté Macron
·
24 AVR. 2017
PAR OLIVIER
TONNEAU
Vous avez voté pour Macron et vous venez nous faire la
leçon : il faut faire barrage au Front National. « Faire
barrage » : les mots vous évoquent des corps tendus contre l’assaut.
Vous vous imaginez en héros de la lutte pour la République. A moi, ils n’évoquent
qu’un bête mur de béton qui retient l’eau qui monte. Elle n’en finit pas de
monter depuis cinq ans. C’est un fait objectif : jusqu’en 2012, le vote
Front National était encore flottant, versatile, contestataire. C’est le
quinquennat Hollande, qui est aussi le quinquennat Macron, qui l’a vu
s’enraciner. Il n’est pas difficile de comprendre pourquoi. L’extrême-droite
monte partout dans le monde ; or il n’y a qu’une cause qui s’exerce à
l’échelle de la planète et c’est la dictature de la finance dont vous venez de
porter au pouvoir le zélé serviteur.
Peut-être n’êtes-vous pas convaincus ? La
corrélation entre néolibéralisme et fascisme vous échappe ? C’est parce
que vous vivez dans un monde imaginaire, au sens propre : un monde
d’images. Vous n’êtes pas marxistes et vous ne pensez pas que les conditions
matérielles d’existence déterminent la conscience. Tout est discours pour vous,
comme pour le gouvernement le plus impopulaire de l’histoire de la
cinquième république qui, pendant cinq ans, à chaque résistance à ses
« réformes », n’a rien su comprendre sinon qu’il avait manqué de
« pédagogie ». Manuel Valls s’écriait « J’aime
l’entreprise » et vous avez élu l’homme qui promet de la faire aimer aux
Français. Il vous a dit que les jeunes seraient heureux de travailler pour Uber
pourvu qu’ils puissent rêver d’être milliardaires et vous l’avez cru. Il vous a
dit que les chômeurs seraient contraints d’accepter des emplois moins bien
payés et loin de chez eux, et vous vous êtes dit : voilà qui est sérieux.
Vous vous êtes si bien retrouvés dans cette caricature de cadre supérieur que
vous avez pensé qu’il saurait « rassembler les Français » - les
rassembler dans l’amour d’un homme qui vous ressemble. Vous n’avez même pas
conscience que ce faisant, vous avez fait monter le Front National.
Combattre le Front National, c’est aussi pour vous une
affaire de mots. Quand Malek Boutih crie que le fascisme est à nos portes, vous
vous dites : « Il a combattu le Front National ». Vous ne savez
pas que le Front National puise à deux sources : la haine de l’étranger
bien sûr, ce vieux fond de xénophobie raciste qui depuis toujours est la lie de
la France, mais aussi la haine qu’inspire votre modèle de société haï de tous
excepté vous, ce que vous sauriez si vous rencontriez qui que ce soit d’autre
que vous. Vous n’avez pas voulu mettre en question votre attachement béat à une
Europe qui n’existe que dans vos rêves. Vous avez dit « la dette » et
« la dépense publique » et vous avez conclu : c’est impossible.
L’eau finira par déborder. Ce jour-là, que
ferez-vous ? Vous n’en avez aucune idée. Vous devriez nous demander
conseil. Car nous que vous accusez de ne pas faire barrage au Front National,
nous faisons tout autre chose : nous le combattons – nous l’avons même en
partie vaincu. Pourquoi croyez-vous que Marine Le Pen n’est pas arrivée en tête
du premier tour ? Parce qu’un grand nombre d’ouvriers et d’employés qui
s’étaient résolus à voter pour elle ou s’abstenir ont voté pour Jean-Luc
Mélenchon. Parce que les jeunes, prétendument acquis au Front National, ont
massivement voté pour Jean-Luc Mélenchon. Et pourquoi l’ont-ils fait ?
Pourquoi nous ont-ils rejoint nous, et non pas vous qui avez pourtant seriné de
si belles fables sur le rassemblement des Français ? Parce que nous leur
avons fait espérer ce que vous n’osez plus imaginer : nous allions changer
le monde.
Vous n’en avez évidemment pas conscience mais si nous
avons lutté contre vous, c’est encore pour combattre le Front National. Pour
faire naître l’espoir, il fallait en finir avec votre suffisance, votre
incapacité à rien penser au-delà de vous-mêmes, et votre certitude que vous
pouvez tirer sur la corde indéfiniment sans qu’elle se rompe jamais. Nous avons
tâché d’échapper à la violence que vous répandez partout. La violence ?
Vous êtes outrés – car chacun sait, n’est-ce pas, que la violence est de notre
côté : dans notre hostilité aux riches et dans les mauvaises manières de
Jean-Luc Mélenchon. Vous ne comprenez pas que la violence, c’est quand un être
humain pensant, sensible, est nié dans son humanité par un vulgaire Macron qui
croit qu’il est acceptable de parler aux gens pour ne rien dire. Il est mille
fois plus insultant de s’entendre dire « penser printemps » que de
s’entendre appeler « les gens ». Il est mille fois plus violent de
dire « je suis pour la France qui ose » que de répondre « si
vous élisez cet homme, vous allez cracher du sang ». Il n’y a pas de
violence plus grande que de prendre les gens pour des imbéciles.
Vous, si fiers d’aller dans quinze jours faire barrage au
Front National, ne vous rendez pas compte que vous êtes son fidèle allié. Vous
n’avez aucun reproche à nous faire, aucune consigne à nous donner. Nous ne
sommes pas votre voiture-balai, nous n’avons pas à ramasser les débris de la
société à mesure que vous la détruisez.
Que ferons-nous dans quinze jour ? Pour moi, ma
décision est prise. Ceux à qui il m’importe qu’ils la connaissent, la
connaissent. Quant à vous, je n’ai rien à vous dire et je remercie Jean-Luc
Mélenchon de n’avoir pas sauté dans le cerceau comme une bête de foire. Nous
trancherons à notre heure et si vous vivez quelques jours d’inquiétude, tant
mieux : voyez en face le désastre dont vous êtes responsables. Se
pourrait-il qu’une prise de conscience se fasse ? Je n’y crois pas. Je
vous connais trop bien pour ça. Eh bien tant pis : nous aurons au moins
jeté une ombre sur votre irresponsabilité confite en ses certitudes et votre
mouvement qui marche si bêtement à contre-temps de l'Histoire.
Pendant les cinq prochaines années, l’histrion que vous
avez porté au pouvoir continuera l’œuvre de dissolution sociale de ses
prédécesseurs. Mais qu’on se rassure : le Front National n’aura pas le
dernier mot. Non grâce à vous mais grâce à nous qui en cinq ans avons réduit
des deux tiers la distance qui nous séparait de lui. Détenteurs de l’avenir en
commun, nous assumerons nos responsabilités face au Front National et malgré
vous.
Article à l'initiative de Catherine Aubry
Article à l'initiative de Catherine Aubry
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Vos commentaires sont les biens venus, sachez qu'ils seront validés par notre modérateur, merci