Tout n'est pas permis pour justifier la privatisation !
Impossible en cette fin d'année de ne pas
entendre parler de la SNCF, entre couacs, pannes électriques et
informatiques, tragédies et effets d'annonces, pas une semaine se passe
sans que les journaux télévisés et la presse n'en fasse leur marronnier.
La
bataille de formatage des esprits est de plus en plus pesante : "
Trains en retard, régimes spéciaux… et si on privatisait la SNCF ? "
titrait récemment Capital.
Dernièrement
le président de la SNCF Guillaume Pepy rejoue la carte du " ben si
c'est ça, remplacez moi !", déjà utilisé lors des mouvements des grèves
en 2016, pour répondre à sa convocation par la ministre des transports
le 8 janvier prochain.
Face à tous ces éventements, à la pression des médias et autres réseaux sociaux, le gouvernement se devait de réagir.
C’est
pourquoi la ministre des transports Elisabeth Borne a convoqué les deux
têtes "pensantes" de la SNCF à savoir Guillaume Pepy président de
l’EPIC SNCF et Patrick Jeantet PDG de l’EPIC réseau. Comme pour calmer
la foule, ce qui tiendrait plus d’une invitation aura-t-elle de réelles
conséquences sur les directions des EPIC ou de leur stratégie de
privatisation "en marche" forcée du secteur ferroviaire ? Car penser que
l’Etat ne joue pas un rôle actif dans tous ces processus a de quoi
faire sourire, d’autant plus que l’actuelle ministre des transports a
été directrice de stratégie à la SNCF entre 2002 et 2007.
" Mon boulot, avec Patrick Jeantet, c’est de trouver des solutions. Le temps n’est pas aux états d’âme"
nous explique Guillaume Pepy. S’il est vrai que leur "boulot" devrait
être de trouver des solutions au lieu de participer activement à la
casse d’un outil qui était performant et jalousé par nombre de voyageurs
européens, il est clairement temps que les responsables de tout niveau à
la SNCF aient des états d’âme. Sans parler du drame de
Millas dont les résultats de l’enquête ne sont pas encore établis,
d’autres sordides histoires tel que le drame de Brétigny ou le
déraillement du TGV à Eckwersheim, les problèmes connus et étouffés des
déshuntage auraient eu raison de nombreux directeur de la SNCF, mais pas
Pepy, pourquoi ?
Rappelons
que l’actuel président de la SNCF fut mis en place par Sarkozy en 2008
et reconduit par Hollande en 2013 afin de poursuivre les réformes
engagées en 2012 sur la gouvernance du système ferroviaire, la
réintégration de RFF (Réseau ferré de France) au sein de la SNCF et donc
de sa dette colossale (plus de 33 milliards à l’époque) et la réforme
du statut social des cheminots. Sa longévité à la tête du groupe public,
10 ans au printemps prochain, a de quoi faire pâlir ses
prédécesseur.e.s, hormis André Ségala qui resta 17 ans. Mais pour le
moment il n’y a pas de candidat à sa succession, d’ailleurs son contrat a
été prolongé de 2 ans jusqu’en 2020. A n’en pas douter il va être
difficile de trouver un.e successeur.e.s aussi zélé.e que Pepy, car non
seulement il a réussi à fractionner et dégraisser la SNCF (plus de 22 000 suppressions de postes sous sa direction et cela va continuer),
mais il s’entend aussi très bien avec certains "syndicats" de
collaboration. Ainsi penser qu’il sera limogé s’apparente à faire des
plans sur la comète, car même si le gouvernement Macron a sans doute
déjà pensé à quelqu’un pour le remplacer, est-il prêt à le sacrifier sur
l’hôtel de l’opprobre ? Car le printemps prochain sera probablement un
moment de lutte pour les cheminots qui vont devoir défendre leur
système de retraite et le dictionnaire des métiers.
Ainsi
placer un macroniste affiché risquerait d’exacerber encore plus la
volonté des cheminots et pourrait être un mauvais calcul pour le
gouvernement.
Le président de la SNCF poursuit : "Nous rénovons le réseau tout en faisant circuler en Ile-de-France l’équivalent d’un avion A380 toutes les sept secondes. Ces gigantesques travaux en pleine exploitation comportent des risques de bugs, d’incident électriques, des risques de travaux qui ne sont pas suffisamment préparés". Et c’est bien là où réside le problème.
Le président de la SNCF poursuit : "Nous rénovons le réseau tout en faisant circuler en Ile-de-France l’équivalent d’un avion A380 toutes les sept secondes. Ces gigantesques travaux en pleine exploitation comportent des risques de bugs, d’incident électriques, des risques de travaux qui ne sont pas suffisamment préparés". Et c’est bien là où réside le problème.
A
une époque pas si lointaine les travaux de conception, de réalisation
et d’entretien se faisaient par des cheminots expérimentés et formés
correctement ayant acquis l’expérience de leur carrière. Aujourd’hui
qu’en est-il ? La majeure partie de ces travaux a été offerte aux
entreprises privées du BPT, beaucoup de travaux se font en journée afin
d’éviter de payer les horaires de nuit, et les agents SNCF présents
sur les sites sont souvent cantonnés à des tâches de sécurisation des
"employés" du privé. Autrement dit, ils sont spectateurs. Ces
entreprises embauchent pour la plupart des intérimaires qui n’ont, et
cela se comprend, pas la vision que leur travail s’intègre dans quelque
chose de plus grand ; qui n’ont pas les connaissances, ni l’expérience
et la formation nécessaires.
L’exemple de la panne électrique de Montparnasse du 29 juillet a de quoi nous interpeller.
Un audit demandé par les dirigeants de la SNCF dresse un constat sévère, mais juste. Dénonçant "la perte progressive de compétences système et ingénierie d’exploitation"
ce qui s’explique par une politique de réduction des postes, limitant
ainsi la transmission d’un savoir-faire presque séculaire. Le rapport
pointe également les "responsabilités fragmentées tout au long de la chaîne managériale, rarement en cohérence avec le processus."
Là encore il s’agit bien d’une volonté managériale de la hiérarchie de
déstructurer l’entreprise en créant des postes dont personne ne sait
réellement qui fait quoi et quelles sont ses fonctions. Car de fait, il
est plus facile de transformer la SNCF et fractionner les
responsabilités ainsi, que de perdre dans des méandres tout syndicat ou
cheminot qui se pose des questions.
Si
l’on regarde de l’autre côté de la Manche et qu’on voit ce que la
politique de privatisation du chemin de fer anglais a donné, il est
clair que ce n’est pas une solution.
Augmentation
du prix des billets, dégradation du service et des conditions de
travail des cheminots en sont les conséquences les plus visibles. La
récente grève des agents sous-traitants du nettoyage des gares SNCF dans
la région nord Ile-de-France, montre à quel point la direction de la
SNCF méprise non seulement les "petites mains" qui font en sorte que nos
gares soient propres et que l’on puisse voyager dans des bonnes
conditions chaque matin, mais aussi les usagers. La direction de la SNCF
qui a refusé de donner une solution aux revendications des agents du
nettoyage en grève pendant 45 jours, qui les a convoqués au tribunal, au
lieu de mettre la pression sur la direction d’H. Reinier-Onet, c’est
cette même direction qui est aujourd’hui incapable d’apporter une
solution de long terme aux problèmes structuraux du chemin de fer
français, qui sont à l’origine de beaucoup trop d’accidents et
d’incidents.
Ceux
qui savent nettoyer les gares, faire rouler les trains, les conduire,
ceux qui savent vendre des billets, ceux qui sont en capacité de réparer
le matériel et faire des travaux sur les voies, ce ne sont ni Pepy ni
Jeantet, tout comme beaucoup de dirigeants de l’entreprise qui viennent
de plus en plus directement des grandes écoles et qui n’ont aucune
expérience ou réelle formation sur le terrain. Ce n’est pas eux qui
seront en capacité de proposer un service public de qualité. Donc loin
d’installer une logique de rentabilité qui ne fera que finir de tuer la
qualité du service, il est temps pour les cheminots, ensemble avec les
usagers, les seuls véritables intéressés à développer un service de
qualité, de commencer à apporter des solutions de fond. Et si c’était
nous, cheminots et usagers, qui dirigeons la SNCF ? Si c’était nous,
avec comme seule boussole un service de qualité et pas cher, pour que
les millions d’usagers puissent voyager dans des bonnes conditions, qui
proposons des solutions, quitte à aller chercher l’argent là où il est, y
compris dans les poches des filiales privées que la SNCF même met en
place pour organiser sa propre concurrence ?
Le
8 janvier sera sans doute plus une réunion pour les journalistes et à
n’en pas douter nous n’avons rien à en attendre, surtout pas un
changement radical. Les véritables solutions de long terme ne viendront
de la main de Pepy et de l’actuelle direction de la SNCF, et encore
moins de la part du gouvernement Macron. Mais il ne faudrait pas non
plus que cela serve d’excuse idéale pour accélérer les restructurations
déjà bien avancées.
Note :
[1] - Trains en retard, régimes spéciaux… et si on privatisait la SNCF ?
Pour en savoir plus :
- SNCF : mais qu’est-ce qui ne tourne pas rond ?
- Historique : Depuis quand le train n’est-il plus un service public ?
- Trains en retard, régimes spéciaux… et si on privatisait la SNCF ?
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