Par Hadrien Mathoux
Quand les "Grandes gueules" et un ministre de la République se rejoignent. "J'avais
lu une étude, je crois que ça coûte 1.000 euros à chaque Français, la
SNCF ! 1.000 euros à chaque Français, même ceux qui ne prennent pas le
train !", s'étranglait il y a peu l'éditorialiste Olivier Truchot
sur RMC. Dans une belle communauté de pensée, le ministre de l'Action et
des comptes publics Gérald Darmanin a abondé dans le même sens lundi
sur RTL, lançant : "Chacun des Français, qui prend ou pas le train, paie chaque année 340 euros pour faire fonctionner la SNCF".
Alors, qui a le bon compte ? En réalité, le fameux rapport Spinetta, récemment remis au gouvernement, explique que la SNCF coûte 200 euros par Français et par an. Pour arriver à son propre chiffre, comme l'a expliqué ce mercredi 28 février sur BFMTV le secrétaire d'Etat Sébastien Lecornu, Gérald Darmanin a fait sa petite sauce comptable, ajoutant à l'addition "les 3,5 milliards d'euros pour le régime spécial des retraites" et ne comptant que les Français qui payent des impôts. Ce qui dément au passage le gouvernement quand il prétend ne pas chercher à noircir le tableau : dans ce cas, pourquoi Gérald Darmanin n'a-t-il pas simplement repris le chiffre référence du rapport Spinetta ? Quoi qu'il en soit, 200 ou 340 euros par Français, est-ce une somme si colossale pour entretenir un réseau de 30.000 kilomètres de rails, et de 15.000 trains transportant 5 millions de passagers par jour ?
En clair, la SNCF coûte-t-elle trop cher pour le service qu'elle rend ? Impossible de répondre à cette question en brandissant simplement un chiffre sans le contextualiser : il faut le comparer pour lui donner un sens. Au plan international, la compagnie française occupe une place honorable. En 2015, une étude du cabinet de conseil BCG la classait 3ème meilleur réseau ferré d'Europe, et à la 2ème place en termes de qualité. Autre élément de comparaison possible : la SNCF coûte-t-elle trop cher par rapport à un autre système de transport dans lequel pourrait investir l'Etat ? Pour ce qui est du réseau routier, l'Union routière de France (URF) évalue à 15 milliards d'euros les dépenses de la collectivité pour l'année 2015. D'après le rapport Spinetta, la SNCF coûte… 14 milliards d'euros par an au contribuable. Et c'est sans compter le coût pour la société des accidents et de la pollution, les fameuses "externalités négatives", bien moindres côté train.
On peut même, en utilisant les références numériques du ministre, calculer le prix de chaque grand service public pour les Français. En 2016, notre pays a consacré 149,9 milliards d'euros à son système éducatif. Chaque Français en âge de payer des impôts paye donc 998 euros à l'Education nationale. Même ceux qui n'ont pas d'enfants scolarisés ! En ce qui concerne la Sécurité sociale, chaque travailleur français cotise tous les mois pour financer les dépenses visant à soigner les malades, à payer les retraites, à dédommager les victimes d'accidents du travail… La direction de la Sécu évalue ainsi "les charges nettes de l’ensemble des régimes de base" à 477,5 milliards d’euros. Cotisation maladie, vieillesse, CSG : pour tous les salariés et chefs d'entreprise, la somme se chiffre en centaines d'euros annuels. Des sommes qui, en soi, n'ont rien de polémique.
La technique de Gérald Darmanin peut également être déclinée à des mesures défendues par son gouvernement : Les Echos révélaient début février que d'après un rapport tenu confidentiel, le tout nouveau "service national universel" qu'Emmanuel Macron veut instaurer coûterait entre 2,4 et 3 milliards d'euros par an. Soit 48 euros annuels par contribuable, a minima, et sans compter les coûts d'infrastructure… Autre dispositif auquel tous les Français contribuent via leurs impôts : le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), une baisse de charge pour les entreprises, qui doit être transformé en allégement fiscal pérenne à partir de 2019. Cette fois-ci, ce n'est pas vraiment un service public, puisque l'argent est redirigé vers les entreprises privées, et que celles-ci l'ont plutôt utilisé pour augmenter les dividendes que pour investir. Toujours est-il que le mécanisme a coûté 19,1 milliards d'euros à la collectivité en 2016, soit… 382 euros annuels pour chaque Français en âge de payer l'impôt. Conclusion : ce coup de pouce aux entreprises coûte plus cher aux Français que leur SNCF.
Publié le 01/03/2018 à 08:20
Le
ministre de l'Action et des comptes publics Gérald Darmanin a justifié
la réforme du ferroviaire en arguant que "chacun des Français, qui prend
ou pas le train, paie chaque année 340 euros pour faire fonctionner la
SNCF". Une ligne d'argumentation rodée mais fallacieuse.
Alors, qui a le bon compte ? En réalité, le fameux rapport Spinetta, récemment remis au gouvernement, explique que la SNCF coûte 200 euros par Français et par an. Pour arriver à son propre chiffre, comme l'a expliqué ce mercredi 28 février sur BFMTV le secrétaire d'Etat Sébastien Lecornu, Gérald Darmanin a fait sa petite sauce comptable, ajoutant à l'addition "les 3,5 milliards d'euros pour le régime spécial des retraites" et ne comptant que les Français qui payent des impôts. Ce qui dément au passage le gouvernement quand il prétend ne pas chercher à noircir le tableau : dans ce cas, pourquoi Gérald Darmanin n'a-t-il pas simplement repris le chiffre référence du rapport Spinetta ? Quoi qu'il en soit, 200 ou 340 euros par Français, est-ce une somme si colossale pour entretenir un réseau de 30.000 kilomètres de rails, et de 15.000 trains transportant 5 millions de passagers par jour ?
En clair, la SNCF coûte-t-elle trop cher pour le service qu'elle rend ? Impossible de répondre à cette question en brandissant simplement un chiffre sans le contextualiser : il faut le comparer pour lui donner un sens. Au plan international, la compagnie française occupe une place honorable. En 2015, une étude du cabinet de conseil BCG la classait 3ème meilleur réseau ferré d'Europe, et à la 2ème place en termes de qualité. Autre élément de comparaison possible : la SNCF coûte-t-elle trop cher par rapport à un autre système de transport dans lequel pourrait investir l'Etat ? Pour ce qui est du réseau routier, l'Union routière de France (URF) évalue à 15 milliards d'euros les dépenses de la collectivité pour l'année 2015. D'après le rapport Spinetta, la SNCF coûte… 14 milliards d'euros par an au contribuable. Et c'est sans compter le coût pour la société des accidents et de la pollution, les fameuses "externalités négatives", bien moindres côté train.
Une remise en cause de tous les services publics
Au-delà des chiffres, la remarque de Gérald Darmanin, en critiquant le simple fait que la SNCF coûte de l'argent "à chaque Français, même ceux qui ne prennent pas le train", remet en cause… le principe même du service public. Celui-ci relève en effet d'un choix de société : faire supporter à toute la population, via les impôts et taxes, le prix du service plutôt que le faire peser uniquement sur ses usagers. Bref, socialiser les pertes mais également les profits. Avec la logique du ministre, on pourrait donc tout autant s'indigner que les personnes qui n'ont pas d'enfants financent l'école publique, ou se révolter contre le fait que les citoyens en bonne santé mettent la main à la poche pour contribuer à soigner les malades.On peut même, en utilisant les références numériques du ministre, calculer le prix de chaque grand service public pour les Français. En 2016, notre pays a consacré 149,9 milliards d'euros à son système éducatif. Chaque Français en âge de payer des impôts paye donc 998 euros à l'Education nationale. Même ceux qui n'ont pas d'enfants scolarisés ! En ce qui concerne la Sécurité sociale, chaque travailleur français cotise tous les mois pour financer les dépenses visant à soigner les malades, à payer les retraites, à dédommager les victimes d'accidents du travail… La direction de la Sécu évalue ainsi "les charges nettes de l’ensemble des régimes de base" à 477,5 milliards d’euros. Cotisation maladie, vieillesse, CSG : pour tous les salariés et chefs d'entreprise, la somme se chiffre en centaines d'euros annuels. Des sommes qui, en soi, n'ont rien de polémique.
La technique de Gérald Darmanin peut également être déclinée à des mesures défendues par son gouvernement : Les Echos révélaient début février que d'après un rapport tenu confidentiel, le tout nouveau "service national universel" qu'Emmanuel Macron veut instaurer coûterait entre 2,4 et 3 milliards d'euros par an. Soit 48 euros annuels par contribuable, a minima, et sans compter les coûts d'infrastructure… Autre dispositif auquel tous les Français contribuent via leurs impôts : le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), une baisse de charge pour les entreprises, qui doit être transformé en allégement fiscal pérenne à partir de 2019. Cette fois-ci, ce n'est pas vraiment un service public, puisque l'argent est redirigé vers les entreprises privées, et que celles-ci l'ont plutôt utilisé pour augmenter les dividendes que pour investir. Toujours est-il que le mécanisme a coûté 19,1 milliards d'euros à la collectivité en 2016, soit… 382 euros annuels pour chaque Français en âge de payer l'impôt. Conclusion : ce coup de pouce aux entreprises coûte plus cher aux Français que leur SNCF.
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