Par Clotilde Cadu
A l'annonce du cancer de son fils, Laurent Georges* s'est retrouvé
plongé, démuni, dans un monde qu'il ne connaissait pas. Il pousse un cri
d'alarme, universel, pour que les parents, aussi, soient accompagnés.
Quand le téléphone sonne, ce 15 février 2017, Laurent* sait déjà. Il
sait qu'il n'ira pas au théâtre le soir. Il sait que sa vie va basculer.
Il sait que c'est « la chose ». A l'autre bout du fil, le médecin lui
demande de se rendre immédiatement aux urgences. La prise de sang de M.,
son petit garçon de 5 ans, n'est pas bonne.
« Jusqu'à la dernière seconde, nous avons espéré que ce n'était pas ça », raconte
le père de famille, 46 ans. « Ça » : une leucémie. L'extrême fatigue,
les saignements de nez, la pâleur, les difficultés à marcher ces
derniers mois n'étaient donc pas des manifestations de la croissance de
l'enfant, comme l'avaient pourtant affirmé les généralistes consultés.
Aussitôt, M. est hospitalisé. « Ça nous est tombé dessus », se souvient Laurent, propulsé d'un coup dans un univers inconnu, hostile. «
Pour les médecins, pour l'hôpital, tout est évident. Nous, on ne sait
rien, on n'est pas formé à la maladie. Et on nous demande de nous
adapter dès le début », poursuit le papa, encore « une enclume dans le bide » lorsqu'il évoque le sujet.
Pendant
quarante-sept jours, les parents se relaient au chevet de leur fils. La
maman arrête de travailler. Le papa enchaîne les journées dans sa
boutique de vin et les nuits à potasser : il veut tout savoir sur le mal
qui ronge son garçon. A l'hôpital, il pose des questions. Beaucoup de
questions. Sans obtenir de réponse.
« Nous avons compris dès
les premiers jours d'hospitalisation que la communication allait être
compliquée, défaillante, voire simplement inexistante », déplore Laurent. Entier, exigeant, il insiste. Il veut savoir, comprendre. La maladie, le traitement. « On ne nous donne aucune information. » Pis : ses demandes agacent.
Pas assez dociles ?
Le couple est convoqué par la direction. « Sommes-nous des parents gênants pour l'hôpital ? Trop curieux ? Trop tenaces ? Pas assez dociles ? » s'interroge-t-il. La sentence tombe : ils sont exclus de l'établissement la nuit. « On nous dit que nous stressons notre enfant. Nous n'avons plus le droit de dormir à ses côtés », s'indigne le père de famille. Une claque. Une de plus.
Laurent veut transférer son fils dans un autre hôpital. Sa femme ne veut pas. Le couple, épuisé, vacille. « Un sur deux se sépare. L'hôpital ne fait rien pour que l'on reste soudés », analyse-t-il.
Pour sauver ce qui peut encore l'être, Laurent accepte de laisser M.
dans l'établissement. La prise en charge, les soins, y sont bons, après
tout. Il abandonne les procédures mises en route. Il se plonge dans
l'écriture. Sur un bout de papier, sa tablette, son smartphone, dès
qu'il a un instant, Laurent note. Un journal de bord, destiné avant tout
à son fils, qui, finalement, deviendra un livre, publié début mars.
Un témoignage de papa démuni dans lequel des milliers d'autres se reconnaîtront. Laurent l'a titré Palindrome (éd. Librinova). «
C'est une figure de style qui désigne un texte ou un mot dont l'ordre
des lettres reste le même qu'on lise de gauche à droite ou de droite à
gauche », explique Laurent en préambule. « La maladie, l'hospitalisation, c'est la même chose, il y a deux façons de les lire. » Tous les bénéfices engendrés seront reversés à la recherche contre le cancer pédiatrique, délaissée.
« Notre objectif, à notre humble niveau, c'est de consacrer du temps aux parents confrontés à la même chose que nous », dit
Laurent. Aujourd'hui, un an après, M. va mieux. Il est rentré chez lui
et devrait reprendre l'école prochainement. Il est en rémission. Mais
chaque soir, à 18 heures, M. avale un cachet de chimiothérapie, puis un
autre une fois par semaine. Le petit garçon a vieilli d'un coup. Ses
parents aussi.
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