mardi 1 mai 2018

Loi sur la fin de vie : les anti sont aux aguets


Par Louis Hausalter

Minoritaires selon les sondages, les opposants à l'euthanasie observent avec inquiétude la multiplication des appels à faire évoluer la loi. Et ne savent que penser du silence de Macron.

Ils ont été cueillis à froid, à l'aube de la nouvelle année. Début janvier, les opposants à l'euthanasie n'ont pu que constater, dans un sondage de l'Ifop pour la Croix, sur les questions bioéthiques, à quel point la bataille de l'opinion était mal engagée pour eux. Ainsi, seuls 11 % des Français s'opposent à toute évolution de la législation sur la fin de vie. Et les plaidoyers pour légaliser l'euthanasie et le suicide assisté trouvent un écho dans les franges traditionnellement conservatrices de la population : 91 % des sympathisants de droite sont pour une évolution.
« Depuis longtemps, l'opinion est extrêmement homogène sur ce sujet. Il n'y a pas de clivage politique et les clivages générationnels disparaissent », note Frédéric Dabi, directeur général adjoint de l'Ifop. Même les catholiques pratiquants sont 72 % à se dire favorables à une légalisation de l'euthanasie et/ou du suicide assisté…
Les partisans du statu quo observent donc avec inquiétude la multiplication récente des initiatives appelant à une évolution. D'autant qu'ils ne s'attendaient pas à ferrailler si tôt sur un sujet qu'Emmanuel Macron avait soigneusement évacué pendant sa campagne. « Je suis favorable à ce que ce débat avance mais je ne me précipiterai pas pour légiférer », déclarait ainsi le candidat à la Croix en mars 2017. Un an plus tard, le chef de l'Etat reste toujours aussi imperméable sur ses intentions. S'il a organisé un dîner de travail à l'Elysée sur le sujet en février, partisans comme opposants en sont ressortis avec un point d'accord : impossible de savoir ce que pense Macron ! Il n'a pas non plus soufflé mot du sujet dans son discours au collège des Bernardins, le 9 avril.

“Sursaut de conscience”

« Il y a beaucoup d'ambiguïté de la part du gouvernement, peste le député LR Xavier Breton, en pointe sur les sujets de société. Soit il a l'intention d'ouvrir le débat pour déboucher sur un texte de loi, soit il n'en a pas l'intention et il faut qu' il le dise. » En attendant (ou redoutant) une position plus claire au sommet de l'Etat, les opposants balisent. Après la tribune de députés appelant à « donner aux malades en fin de vie la libre disposition de leur corps » publiée dans le Monde début mars, la Société française d'accompagnement et de soins palliatifs (Sfap) a répondu dans le même journal, par la voix de sa présidente, Anne de la Tour. Avec cet argument principal : le cadre législatif permettant d'accompagner les malades et de soulager leurs souffrances ne serait pas assez connu ni appliqué. Un refrain repris en boucle par des opposants qui estiment que la loi Claeys-Leonetti, adoptée en 2016, permet de répondre à la plupart des situations, en dessinant une troisième voie entre acharnement thérapeutique et recours à l'euthanasie. « Ceux qui cherchent à pousser une nouvelle loi sont dans une démarche idéologique, pas pragmatique, reprend Xavier Breton. La réalité des besoins réclame plutôt qu'on mène enfin une action digne de ce nom pour développer les soins palliatifs. »
D'autres acteurs plus politiques sont en embuscade, comme La Manif pour tous, parallèlement à son combat contre la légalisation annoncée de la PMA pour les couples de femmes. « Nous sommes extrêmement vigilants car nous sentons une pression très forte », assure Ludovine de la Rochère, la présidente du mouvement antimariage gay, qui voit dans l'euthanasie « une rupture civilisationnelle ». « Il n'y a pas d'annonce immédiate, concède-t-elle, mais ceux qui veulent un droit à mourir préparent le terrain pour plus tard. » L'Eglise n'est pas en reste : les évêques de France ont publié le 22 mars une déclaration appelant à un « sursaut de conscience » contre l'euthanasie. Et les paroisses encouragent leurs fidèles à faire entendre leur voix dans les états généraux de la bioéthique jusqu'à la fin avril. Mais les milieux chrétiens sont loin d'être unanimes. Le 10 avril, l'adoption par le Conseil économique, social et environnemental (Cese) d'un avis favorable à l'euthanasie et au suicide assisté a semé le trouble parmi les opposants : les Scouts et guides de France, la Jeunesse ouvrière chrétienne ( JOC) et le Mouvement rural de jeunesse chrétienne (MRJC) se sont abstenus, tandis que le représentant des Associations familiales catholiques (AFC) a voté pour - même si la confédération a martelé ensuite qu'elle était toujours opposée à l'euthanasie. De quoi fragiliser le front des anti.

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