vendredi 11 mai 2018

Pourquoi Emmanuel Macron aime les (très) riches

Macron, l'an 1
  Par Renaud Dély

Suppression de l'ISF sur les titres boursiers, baisse de l'imposition sur les revenus du capital, abolition de l'"exit tax" visant les fortunes s'installant à l'étranger... Le nouvel ordre macronien est clair : instaurer un climat probusiness pour créer la confiance.

L'exit tax plutôt que l'allocation personnalisée au logement (APL), le monde de la finance avant celui de la fonction publique, bref les (très) riches avant les autres : le nouvel ordre macronien a le mérite de la clarté.
Il bouscule la saine méfiance culturelle française à l'endroit du règne de l'argent roi. Emmanuel Macron l'assume. Mieux, il le revendique haut et fort. Ainsi, le président de la République a-t-il choisi de célébrer le premier anniversaire de son élection en couverture de Forbes, sourire éclatant surmontant le titre : « Leader of the free markets » (« Leader des marchés libres »), comme un écho des lointains présidents américains érigés en leaders du monde libre d'avant la chute du mur de Berlin.
O tempora, o mores, le macronisme accouche bien d'un « nouveau monde ». Le choix de Forbes pour en souffler la première bougie n'a rien d'innocent. Bible centenaire des milieux financiers américains, ce magazine, dont le siège trône sur la 5e Avenue à New York, s'est fait une spécialité de célébrer les milliardaires, grandes fortunes et autres capitalisations boursières à coups de prestigieux classements. L'endroit était tout désigné pour accueillir la nouvelle annonce macronienne, celle de la suppression de l' exit tax créée par Nicolas Sarkozy pour décourager l'exil fiscal. Dans Forbes, Emmanuel Macron la justifie en ces termes : « Les gens sont libres d' investir où ils veulent » et « libres de lever le camp » s'ils le souhaitent, une bienveillance que le chef de l'Etat justifie par une communauté d'esprit née de son « expérience dans le secteur privé » : « Je comprends assez bien les entrepreneurs et les preneurs de risques […]. Je comprends parfaitement quels sont leurs intérêts. »

Approche utilitariste

Après la « jivarisation » de l'ISF (impôt sur la fortune), réduit à un simple IFI (impôt sur la fortune immobilière), et l'instauration d'une flat tax au taux unique de 30 % sur les revenus du capital mobilier et les plus-values mobilières, la suppression de l'exit tax complète la panoplie offerte depuis un an par le nouveau chef de l'Etat aux ultrariches.
Il faut dire qu'Emmanuel Macron, c'est l'Obélix du monde des très riches : il n'en est pas issu sur le plan familial, mais il est tombé dedans quand il était tout petit. Des Young Leaders à la banque Rothschild, l'ex-banquier fréquente avec bonheur tous les cénacles de la finance. De son expérience de conseiller d'un président, François Hollande, élu pour combattre ce « monde de la finance » qui lui est cher à coups de taxe à 75 % et de hausses d'impôt, Emmanuel Macron aurait tiré la leçon qu'il fallait faire l'inverse, c'est-à-dire instaurer à tout prix un climat probusiness pour créer la confiance.
A en croire l'un des visiteurs du soir de l'Elysée, contrairement au « rapport infantile à l'argent » d'un Nicolas Sarkozy « fasciné par les entrepreneurs partis de rien », Emmanuel Macron, lui, serait « vacciné » par ses cinq années passées chez Rothschild. Il n'aurait du monde des (très) riches qu'une approche utilitariste : « Il les connaît trop bien : il en a besoin, mais il est éduqué et il a un surmoi qui le protège de l'argent. »
Lui ne serait pas du genre à s'afficher sur un yacht parce qu'il se méfie du choc des photos. Mais moins du poids des mots… Dans la Fin de l'innocence, une hagiographie filmée diffusée le 7 mai sur France 3, le chef de l'Etat ose opposer l'héroïsme du colonel Beltrame à la mesquinerie des mauvais Français « qui pensent que le summum de la lutte, c'est les 50 € d'APL » parce qu'ils « ne savent pas ce qu'est l' histoire de notre pays » . Et les exilés fiscaux ? Ces drôles de patriotes connaissent-ils l'histoire de France ? Emmanuel Macron a oublié d'en souffler mot.


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